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Route Centre-Europe Atlantique : les contradictions de l’Etat

PUBLIÉ LE 5 DÉCEMBRE 2018
JULIA TORTORICI
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Route Centre-Europe Atlantique : les contradictions de l’Etat
Avec l’effondrement du pont de Gênes cet été, les politiques se sont réveillées. Le maintien, et donc la rénovation, de certains ouvrages vieillissants datant des années 1970 est devenu crucial après des années de laxisme. La Route Centre-Europe Atlantique, qui fait actuellement l’objet d’un appel d’offres portant sur un projet de dédoublement, a, comme beaucoup, souffert de cette carence en investissements. Certains groupements en lice pour ce marché de 500 M€ sont favorables à une reconstruction totale pour des raisons de sécurité. D’autres suivent les directives de l’Etat, soucieux de maintenir les coûts au plus bas.

À l’instar de l’Italie, la France a du pain sur la planche. Ses ouvrages, pour la majorité en béton précontraint, datent des années 1970 et commencent à tirer la langue. A l’image des poids-lourds conçus pour parcourir un certain nombre de kilomètres, les ouvrages ont besoin d’inspection et de confortement pour durer. Et ce n’est pas en attendant de monter la côte qu’il faut constater la casse ! La problématique est en effet majeure. L’âge (plus de 50 ans pour certains ponts) s’ajoute désormais aux conditions climatiques de plus en plus capricieuses, à la circulation (celle des poids-lourds de Gênes a été multipliée par 4 ces dernières années) et aux inévitables marques du temps. Des fissures non réparées laissent place aux infiltrations, qui, couplées avec la dimension isostatique, peuvent être à l’origine de l’écroulement soudain d’un ouvrage. Provoquant la catastrophe que l’on sait en Italie.

On n’a rien appris

La RCEA n’échappe pas à ce constat. Cette route datant des années 1970 et comportant d’importants ouvrages n’a pas été correctement entretenue, faute de budget.  Résultat : le projet de dédoublement lancé par l’Etat fait face à un dilemme. Faut-il reconstruire intégralement les ouvrages ou en conserver la structure et la renforcer ? « Après diagnostic, certains groupements ont décidé de ne prendre aucun risque et ont pris le parti de la reconstruction, jugeant irresponsable de laisser debout un ouvrage vieux de plus de 50 ans sur une autoroute neuve que l’on fera, par ailleurs, payer », nous confie un consultant proche du dossier. Pourtant, certains auraient choisi de fermer les yeux sur ce dossier à risques. La RCEA, surnommée ‘Route de la Mort’, concentre - rappelons-le - un trafic poids-lourds important. A tel point, que pour diminuer drastiquement les accidents, le trafic de véhicules légers a été déporté. Pas grave. Il parait plus important de suivre la position de l’Etat : limitons au maximum les coûts.

Une renaturation à risque

L’Allier est le dernier fleuve sauvage d’Europe. Récemment, l’Etat a manifesté le souhait de lui rendre toute sa mobilité afin de ressusciter une faune sauvage, tirée par la migration des saumons. « Cela implique de supprimer l’endiguement de l’Allier, poursuit notre expert, or ces enrochements protègent l’ouvrage existant au niveau du Val de l’Allier ». Dans le cadre de la mise à 2x2 voies de l’autoroute, en optant pour une adaptation plutôt qu’une reconstruction, l’ouvrage doit être allongé de 200 m de long et comptera donc 4 tabliers de 200 m. « Au milieu, nous nous retrouverions avec une portion existante de conception type Gênes aux fondations extrêmement fragilisées. Car, sans les enrochements, les piles seront ancrées au milieu de l’eau », alerte le consultant. En marge de la renaturation de l’Allier, l’ouvrage du Val de l’Allier reçoit les pluies du versant Nord des Cévennes. Si les nuages se déplacent de 50 km au Nord, ces pluies se déversent dans la Loire et l’Allier, faisant grossir le lit de 5 m. L’actuel ouvrage ne serait plus en mesure de supporter le passage d’une crue centennale, et encore moins milléniale.

Accepter de desserrer les cordons de la bourse

« Il faut aller au bout de la démarche quitte à dépenser quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires, croit notre expert proche du dossier. Le bon sens veuille que, si nous gardons l’ancien ouvrage, des réparations programmées doivent être échelonnées dans le temps. A ce titre, une provision financière doit être constituée. Si, en revanche, l’Etat accepte l’idée que reconstruire l’ouvrage est la solution apportant le plus de bénéfices, pas question de bricoler. Il faudra faire quelque chose de bien ». Outre la résistance à une crue milléniale, l’ouvrage neuf profiterait d’un itinéraire homogène complet permettant de refaire des bandes d’arrêt d’urgence élargies plus  nombreuses. Les actuelles BAU n’autorisant pas les arrêts en urgence des poids-lourds, les accidents sont dévastateurs. « Le surcoût sera finalement faible par rapport aux bienfaits d’une complète reconstruction. Il faut savoir que ce projet est mené sans subventions. Il sera intégralement financé par les péages des usagers qui sont pour 50% des étrangers. Des péages parmi les moins chers de France », souligne le consultant.

>>> Lire aussi : Infrastructures routières : France année zéro
>>> Lire aussi : Les ponts italiens à l’heure des comptes
 
Pont sur l'Allier. Crédit photo : E.Moreau/Radio France/MaxPPP
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