Ces recherches apportent des résultats scientifiques inédits : elles démontrent que, s’il existe un lien étroit et positif entre prévention et performance, c’est avant tout le contexte et la situation de travail qui déterminent l’impact d’une action de prévention sur la performance de l’entreprise. À partir de ce constat, la chaire propose aux entreprises des leviers concrets pour dépasser l’opposition entre sécurité et rentabilité. Elle met également en lumière le rôle déterminant de solutions techniques et organisationnelles innovantes déployées sur le terrain. La chaire d’enseignement et de recherche “Prévention et performance dans le BTP” explore un champ d’étude encore récent : le lien entre santé-sécurité des salariés et performance économique des entreprises. Coordonnée par Christian Michelot, psychosociologue et enseignant à CentraleSupélec, et Christian Griffault, enseignant à CentraleSupélec et professionnel du bâtiment, elle réunit des enseignants chercheurs en économie, sciences humaines et génie civil, ainsi que trois entreprises représentatives des activités et métiers du secteur du BTP : Terélian, filiale de Groupe Vinci tournée vers les travaux publics, Eiffage Génie Civil, branche du Groupe Eiffage aux activités d’infrastructures très diversifiées, et le groupe Legendre qui complète depuis 2021 ce consortium par ses activités construction.
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Partant du constat qu’il n’existe pas de relation constante et systématique entre prévention et performance, la chaire a élaboré notamment une méthodologie dite de « champ de forces » afin d’identifier les paramètres contextuels sur lesquels agir pour que les modes d’action en prévention mis en œuvre aient des retombées économiques positives. Créée et expérimentée dans le cadre de ses recherches-actions, cette méthodologie permet d’identifier, à partir d’un diagnostic participatif, les facteurs susceptibles de faire avancer ou de freiner la prévention d’une part, et la performance d’autre part, puis de définir un plan d’action. Elle fait ressortir en un temps réduit une perception partagée de la situation d’ensemble de l’entreprise au regard de la relation prévention et performance, et fait apparaître des pistes d’action solides et réalistes.
Les travaux de la chaire ont livré plusieurs leviers concrets afin que la prévention puisse contribuer pleinement à la performance des entreprises du BTP : Le jeu de la Chaire constitue un premier outil clé. Conçu comme un jeu d’entreprise, il permet aux équipes de direction et d’encadrement de piloter un chantier fictif et d’observer les effets de leurs décisions sur la productivité, les coûts, les délais et la sécurité. Cet exercice met en évidence le fait que la réussite passe par une approche intégrée, où les choix organisationnels et managériaux influencent directement à la fois la prévention et la performance. Le jeu favorise ainsi la prise de conscience collective et le dialogue entre métiers, tout en proposant un cadre de réflexion transférable aux pratiques de terrain. Un deuxième levier concerne l’expérience de l’ensemble des compagnons, y compris des intérimaires. Les observations réalisées dans le cadre de la chaire montrent que le dialogue et l’intégration de l’ensemble des compagnons dans les démarches de prévention jouent un rôle essentiel pour sécuriser les opérations et améliorer l’efficacité collective. Les compagnons sont trop souvent considérés comme des acteurs en marge du chantier. Or leur rôle dans la dynamique de prévention et dans la performance globale du chantier est décisif. Leur participation active aux réunions – notamment lors des ateliers de type « quart d’heure sécurité » – permet de mieux cartographier les risques, de partager des solutions issues de leur expérience et de renforcer la cohésion des équipes. Un troisième outil a été développé : la méthode de la « Ligne du temps ». Elle vise à mettre en commun les événements ou problèmes ayant marqué la vie du chantier et les solutions originales que les compagnons ont apportées, tout en évaluant leur portée, pour les intégrer au répertoire des méthodes de l’entreprise. Elle permet ainsi de capitaliser sur les savoirs et savoir-faire opérationnels qui ont un impact positif sur la performance. Les recherches-actions conduites sur des chantiers pilotes ont en effet mis en évidence le rôle décisif des solutions techniques et organisationnelles déployées lorsque des aléas et imprévus représentent un point bloquant pour faire avancer le chantier. Ces solutions se révèlent souvent comme étant de véritables innovations. En effet, portées par le désir des équipes de faire avancer la tâche et faciliter le travail, ces innovations chantier ont le double effet de réduire les risques et d’accroître la performance.
En démontrant que la prévention peut être un moteur de compétitivité lorsqu’elle est intégrée aux pratiques quotidiennes et partagée par l’ensemble des acteurs, y compris les intérimaires, les travaux de la chaire offrent au BTP des outils concrets pour transformer durablement ses modes de fonctionnement. Ces conclusions et les outils proposés ouvrent la voie à un changement de paradigme : considérer la prévention non plus comme une obligation réglementaire, mais comme un levier stratégique au service de la performance globale des entreprises et de la pérennité du secteur.