Un paradoxe apparent que l’étude aide à comprendre grâce à un indice de pénurie inédit, basé sur 14 indicateurs objectifs : évolution des loyers et des prix de l’immobilier, activité de construction, stock disponible, pression démographique, poids du logement dans le budget des ménages, etc. Cette approche, modélisée par machine learning, permet une comparaison fine de la tension sur les marchés du logement à l’échelle européenne. La 14e place de la France ne nie pas l’existence d’une crise du logement, mais la replace dans un cadre plus large et nuancé. Parmi les facteurs expliquant ce positionnement intermédiaire : une hausse modérée des loyers (+4,7 % entre début 2023 et début 2025), contre +10,4 % en moyenne en Europe ; des dispositifs publics de régulation (bouclier loyer, encadrement local, PTZ) qui ont contribué à contenir temporairement la pression sur les locataires ; un parc de logements relativement développé, mais marqué par un taux de vacance élevé (8 %) et une part importante de logements vétustes ou mal situés ; une croissance démographique modeste (+0,6 % en deux ans), limitant la pression sur la demande ; une évolution des prix de l’immobilier inférieure à celle des revenus depuis 2015, contrairement à de nombreux pays européens. À noter toutefois : de fortes disparités territoriales. À Paris, les ménages consacrent jusqu’à 35 % de leur budget au logement, contre 20 % en moyenne au niveau national.
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Luxembourg – La pénurie d’un pays prospère (1er du classement)
Forte croissance démographique (+4 %), prix immobiliers très élevés, déficit de logements neufs : les habitants consacrent une part croissante de leur revenu au logement. La décohabitation est retardée, les jeunes actifs peinent à se loger et l’exode vers les pays voisins augmente la pression sur les zones frontalières.
Irlande – Croissance démographique et construction à la traîne (2e)
Le pays affiche un stock de logements parmi les plus faibles d’Europe (417 logements pour 1 000 habitants) et une hausse record des loyers (+18 %). Face à cette situation, de nouveaux modes de vie apparaissent, comme les “mommunes” : des colocations entre mères célibataires avec enfants, faute de solutions d’habitat individuel abordable.
Suisse – Marché locatif saturé (4e)
60 % des ménages sont locataires. Le nombre de logements à louer a chuté de 40 % en cinq ans. L’accession à la propriété est devenue très difficile, même pour les couples disposant d’un revenu médian, et plusieurs cantons imposent désormais un encadrement des loyers après rénovation pour tenter de préserver l’accès au parc existant.
Pays-Bas – Tensions urbaines et recul de la construction (6e)
Le pays combine une urbanisation avancée, une forte croissance démographique, et un décalage croissant entre prix immobiliers et revenus. Depuis 2015, les prix ont augmenté de plus de 30 points au-dessus des revenus disponibles.
À l’autre extrémité du classement, certains pays européens affichent une tension bien plus faible sur leur marché du logement. Parmi eux : la Pologne, la Croatie, la Bulgarie ou la Roumanie, où plus de 80 % des ménages sont propriétaires et souvent sans crédit, ce qui réduit leur exposition à la hausse des loyers ou des taux. L’Italie, qui bénéficie d’une pression démographique faible voire négative, et d’un marché immobilier plus stable malgré une activité de construction en stagnation. Mais ces bons résultats ne signifient pas absence de difficultés : dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, le surpeuplement et la vétusté sont monnaie courante. En Lettonie et en Pologne, près de 30 % de la population vit dans un logement sur-occupé, faute d’alternatives accessibles.
L’étude se concentre sur la pénurie de logements, définie comme un manque d’offre disponible par rapport à la demande. Elle se distingue de la crise du logement, qui désigne une situation plus large incluant les conséquences sociales, économiques et territoriales de ce déséquilibre : précarité résidentielle, exclusion des ménages modestes, mobilité bloquée. En ce sens, le classement de Wüest Partner ne nie pas les difficultés rencontrées en France, mais permet de les replacer dans une lecture comparative et objectivée. Il révèle aussi que certains pays, bien que plus prospères, sont confrontés à une pénurie plus aiguë, avec des impacts plus visibles sur la population.