Qu’est-ce qu’un mur mitoyen, et à qui appartient-il ? La mitoyenneté est l’ensemble des règles légales ou conventionnelles suivant lesquelles deux propriétaires voisins peuvent devenir et demeurer copropriétaires indivis des clôtures séparant leurs fonds.
Ces règles sont énoncées aux articles 653 à 674 du Code civil.
La notion de mitoyenneté est donc une forme particulière de copropriété, qui s’applique principalement aux murs.
Le mur mitoyen peut donc être défini comme l’ouvrage formé de matériaux superposés et liés construit par deux voisins, à frais communs, sur la ligne séparative de leurs héritages, ou encore comme celui de même nature édifié sur son héritage par un seul des voisins mais dont la mitoyenneté a été acquise par l’autre, soit par titre, soit autrement.
Le mur peut être totalement mitoyen ou avoir une partie privée notamment lorsque deux maisons mitoyennes ne sont pas à la même hauteur. Dans ce cas, la partie mitoyenne du mur sera privative sur la longueur qui couvre le logement le plus haut.
Il convient de préciser que la notion de mitoyenneté s’applique également aux autres modes de clôture : palissades, haies, fossés...
1 / Comment reconnaître un mur mitoyen ?
La mitoyenneté peut être établie de différentes façons :
- La présomption de mitoyenneté
La nature d’un mur peut être complexe à définir. C’est la raison pour laquelle une présomption de mitoyenneté a été édictée par la loi.
Ainsi, l’article 653 du Code civil crée, en faveur des propriétaires dont les héritages sont séparés par un mur de séparation, une présomption de mitoyenneté :
« Dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu’à l’héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen, s’il n’y a titre ou marque du contraire »..
Ces règles sont applicables aux murs servant de séparation ou de clôture.
La présomption de mitoyenneté peut également être retenue par les juges du fond au regard de certains évènements.
Ainsi, il a été jugé qu’à défaut de titre, la présomption de mitoyenneté peut résulter de la construction à frais commun d’un mur.
Toutefois, aux termes de l’article 657 du Code civil, il existe certaines marques de non mitoyenneté : ainsi une pente unique au sommet du mur indique que celui-ci appartient au propriétaire du terrain vers lequel elle s’incline ; la présence d’un chaperon, de filets ou de corbeaux (éléments de construction en saillie) d’un seul côté désignent le terrain auquel appartient le mur.
Cette liste n’est pas limitative et les juges peuvent retenir d’autres marques de non mitoyenneté.
Enfin, un acte authentique ou un acte sous seing privé peut faire succomber une présomption de mitoyenneté.
- une convention
Deux propriétaires voisins peuvent se mettre d’accord pour créer une clôture mitoyenne, à frais partagés.
- la prescription trentenaire
La prescription est un mode d’acquisition de la mitoyenneté. Ainsi, celui qui durant trente années accomplies, a, sans la moindre protestation du propriétaire du mur, effectué sur cette clôture des actes non équivoques de copropriété a prescrit, à son profit, la mitoyenneté de ce mur.
- l’acquisition de la mitoyenneté :
La mitoyenneté peut résulter d’une acquisition qui peut être rendue nécessaire pour la réalisation de travaux.
Ainsi, lorsque le propriétaire du mur accepte la demande d’acquisition de son voisin, un contrat interviendra pour concrétiser cet accord. La mitoyenneté du mur sera alors acquise à l’acquéreur au jour de la conclusion de ce contrat
Une décision de justice peut être prononcée à défaut du consentement du propriétaire à la cession de mitoyenneté.
En pareil hypothèse, il est admis, conformément au principe de l’effet déclaratif du jugement, que l’acquisition de la mitoyenneté rétroagit au jour de la demande en justice.
2 / Qui supporte les travaux d’entretien ?
Aux termes de l’article 655 :
« La réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun ».
Un mur de mitoyen est donc à la charge de deux copropriétaires qui doivent s’entendre pour entretenir le mur. La participation aux frais d’entretien est proportionnelle aux droits de chacun des propriétaires sur le mur.
Ainsi, à titre d’exemple, si un des copropriétaires détient une partie privée du mur mitoyen, il doit s’acquitter des trois quarts des frais d’entretien. De plus, si un des propriétaires est à l’origine de la dégradation du mur, il doit en supporter les frais de remise en état.
Il convient de noter qu’aux termes de l’article 656 du Code civil, un copropriétaire peut se dispenser de contribuer aux réparations et reconstructions en abandonnant le droit de mitoyenneté, pourvu que le mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartienne.
3 / Quelles libertés de travaux ?
D’une façon générale, on ne peut pas effectuer, sur un mur mitoyen, des travaux qui porterait préjudice à son voisin, notamment en compromettant la solidité de l’ouvrage.
Le Code civil prévoit plusieurs sortes de travaux.
Aux termes de l’article 657 du Code civil, un copropriétaire peut faire placer des poutres ou solives dans toute l’épaisseur du mur, à cinquante-quatre millimètres près, sans préjudice du droit qu’a le voisin de faire réduire à l’ébauchoir la poutre jusqu’à la moitié du mur, dans le cas où il voudrait lui-même asseoir des poutres dans le même lieu ou y adosser une cheminée.
Toutefois, aux termes de l’article 662 du Code civil, un consentement préalable du voisin copropriétaire est nécessaire pour pratiquer des enfoncements dans le mur mitoyen ou y appuyer un ouvrage.
En cas de refus, l’article 662 prévoit que la difficulté sera réglée par Experts pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits du voisin qui s’estime lésé.
Si des travaux sont réalisés en contravention de ces dispositions légales, le copropriétaire ayant réalisé les travaux peut être condamné à payer des dommages et intérêts et / ou à une remise en état.
Par ailleurs, aux termes de l’article 675 du Code civil, l’un des voisins ne peut, sans le consentement de l’autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant.
Toutefois, les tribunaux sont en droit d’apprécier si l’installation de briques de verre translucides ne constitue pas une ouverture mais une simple paroi translucide.
La création d’une porte dans un mur mitoyen est également soumise à l’accord du voisin qui ne saurait être remplacé par une décision de justice.
Le Code civil envisage également les travaux d’exhaussement d’un mur mitoyen.
Selon l’article 658 du Code civil, de tels travaux ne nécessitent pas l’accord du voisin copropriétaire et leur coût est évidement à la charge de la personne qui souhaite effectuer les travaux.
Il faut souligner que de tels travaux ne doivent pas nuire aux droits du voisin notamment en obstruant certaines vues.
C’est la raison pour laquelle, il est toujours conseillé de discuter du projet de travaux avec son voisin.
4 / Puis-je renoncer à la mitoyenneté ?
Aux termes de l’article 656, tout copropriétaire a la faculté d’abandonner le droit de mitoyenneté pour éviter de payer les dépenses d’entretien pourvu que le mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartienne.
Cependant, le propriétaire peut être déchu de la faculté d’abandon notamment lorsque le mauvais état du mur mitoyen est dû à la faute du propriétaire désireux d’abandonner son droit.
L’abandon de mitoyenneté peut également être judiciairement imposé, notamment lorsque la ruine du mur mitoyen est exclusivement imputable à la vétusté.
L’abandon est considéré comme un acte juridique unilatéral et n’est donc pas soumis à un formalisme particulier. Il peut ainsi résulter de tous faits impliquant une manifestation non équivoque de renoncer à la mitoyenneté.
Néanmoins, pour rendre l’abandon opposable aux tiers, il est nécessaire de respecter un certain formalisme en établissant un acte authentique aux fins de publication au bureau des hypothèques du lieu de situation des immeubles concernés
Le propriétaire ayant renoncé à la mitoyenneté est libéré de son droit et le propriétaire voisin devient seul propriétaire du mur dont il a désormais la maîtrise.
Par Magali Leroy, avocate, DS Avocat, droit de la construction.