BTP Rail : Pouvez-vous nous faire un point sur l’avancement du chantier ?
Lionel Gros : En termes de chantiers de génie civil, l’ensemble des marchés ont été attribués. De fait, que ce soit du côté français ou italien, l’activité bat son plein. Si aujourd’hui les travaux s’effectuent en méthode traditionnelle, nous avons reçu notre premier tunnelier (Viviana NDLR) qui démarrera sa mission à l’automne. D’ici 2 ans, 7 tunneliers travailleront simultanément. Nous entrerons ainsi dans un processus de creusement industriel après les phases d’essais et de calibrages.
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La phase de creusement des 7 sections restantes (la première a été creusée par le tunnelier Federica en septembre 2019 NDLR) est programmée entre 2026 et 2031, avec des périodes de creusement qui se chevaucheront.
A date, quels sont les points remarquables de ce chantier ?
Les points remarquables sont nombreux… Toutefois, le premier porte sur le chantier à ciel ouvert de Saint-Jean-de-Maurienne et qui a été confié par TELT à SNCF Réseau. Longeant les voies sur 15 km, celui-ci a nécessité d’importants travaux de soutènement et de rehaussement de la plateforme ferroviaire sur plusieurs mètres. Ces travaux d’ampleur ont été réalisés à partir des déblais issus du creusement, inscrivant ce chantier dans une logique de « cycle court ». Le second point à noter, concerne l’usine de traitement des matériaux qui sera mise en service cet automne. Transportés par convoyeur, les matériaux excavés seront criblés, concassés, reconstitués pour être réemployés soit dans du remblais, soit dans la composition de béton. Notre objectif est de réutiliser 50 % des matériaux excavés, et nous y parviendrons. Enfin, à l’heure où nous parlons, les lots de génie civil sont toujours réalisés en méthode traditionnelle.
Un dépôt qui se fond dans le paysage
Si la plupart des matériaux sont recyclés pour être réemployés, ceux qui ne sont pas réutilisables sont mis en dépôt définitif. « Cette opération consiste à créer une petite montagne sur des aires définies préalablement d’un point de vue environnemental. Bien sûr, nous veillons à ce que ce soit le plus discret possible et parfaitement intégré au paysage».
Si la plupart des matériaux sont recyclés pour être réemployés, ceux qui ne sont pas réutilisables sont mis en dépôt définitif. « Cette opération consiste à créer une petite montagne sur des aires définies préalablement d’un point de vue environnemental. Bien sûr, nous veillons à ce que ce soit le plus discret possible et parfaitement intégré au paysage».
En dehors du génie civil, restent-ils des marchés à attribuer ?
Il nous reste encore un dernier marché à attribuer et qui concerne le lot CO12. Binational, celui-ci se présente sous la forme d’un marché public global de performance. D’un montant de près de 3 Md€, il vise à confier au futur titulaire la réalisation de tous les équipements du tunnel de base ainsi que leur maintenance pour une durée totale de 15 ans (7 ans + 2 x 4 ans).
Quel est le planning de cet appel d’offres ?
Les réponses du processus « achat » lancé en 2023 (à l’occasion du roadshow « TELT on track » où nous avons présentés ce projet qui est un marché majeur et rare) sont attendues pour le 14 octobre prochain. À réception des candidatures, nous analyserons les diverses offres et s’en suivra une phase de négociation pour une attribution fin 2027. Cet appel d’offres, est un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
« Notre objectif est de réutiliser 50 % des matériaux excavés, et nous allons y parvenir »
Pour quelles raisons ?
Avant d’intégrer TELT en 2021, j’étais dans le ferroviaire… Ma mission est d’apporter mon expérience en la matière, élaborer la stratégie pour ce dernier marché, sa préparation et également anticiper l’exploitation et la maintenance du réseau.
Sur cet appel d’offres, comment est valorisée la dimension environnementale ?
Quel que soit le lot à attribuer, les différents aspects environnementaux, les normes, les protocoles internationaux « Envision » sont intégrés à nos appels d’offres. Celui-ci répond donc aux mêmes exigences environnementales que les autres. C’est d’autant plus vrai qu’il s’agit d’un marché public de performance, pour lequel les candidats seront jugés sur la performance en phase d’exploitation, ce qui comprend des critères comme la consommation d’énergie, la consommation d’eau, la ponctualité des trains, etc.
Un accompagnement complet
Afin d’accompagner TELT dans la gestion de ce chantier pharaonique, trois prestations d’assistance à maîtrise d’œuvre ont été mises sur le marché. La première prestation porte sur l’assistance à conduite d’opération et est destinée à assister le maître d’ouvrage dans la conduite du chantier. La seconde intitulée « Assistance à maîtrise d’ouvrage technique » vise à suivre ce que fait techniquement le titulaire du marché. Enfin, la prestation « Shadow operator » a pour but de préparer TELT à son futur rôle d’exploitant et de gestionnaires d’infrastructure. Cela inclut la définition des prix des sillons et la gestion de l’activité commerciale associée. Cette prestation doit également représenter le futur exploitant-mainteneur dans sa relation avec le constructeur du lot CO12.
Afin d’accompagner TELT dans la gestion de ce chantier pharaonique, trois prestations d’assistance à maîtrise d’œuvre ont été mises sur le marché. La première prestation porte sur l’assistance à conduite d’opération et est destinée à assister le maître d’ouvrage dans la conduite du chantier. La seconde intitulée « Assistance à maîtrise d’ouvrage technique » vise à suivre ce que fait techniquement le titulaire du marché. Enfin, la prestation « Shadow operator » a pour but de préparer TELT à son futur rôle d’exploitant et de gestionnaires d’infrastructure. Cela inclut la définition des prix des sillons et la gestion de l’activité commerciale associée. Cette prestation doit également représenter le futur exploitant-mainteneur dans sa relation avec le constructeur du lot CO12.
Quelles sont vos attentes en termes d’innovation ?
En matière d’utilisation des innovations, nous ne voulons pas être les premiers, ni les derniers, mais les deuxièmes. Ainsi, nous avons spécifié nos besoins en précisant que les innovations doivent être pratiques, efficaces et pérennes afin que notre système ne soit pas obsolète dans 10 ans, mais bien orienté vers le futur. Nous attendons des entreprises qu’elles viennent notamment avec des systèmes de suivi des assets qui soient modernes. L’exercice est de se projeter dans 10 ans en se posant la question de ce qui sera classique, à l’image de la maintenance prédictive dont tout le monde parle actuellement. Nous avons également invité les entreprises à réfléchir sur les systèmes de détection des assets linéaires grâce à la fibre optique.
Ce contrat comporte-t-il des spécificités ?
Oui, car nous insistons beaucoup sur le « Life Cycle Cost » qui intègre la conception, la réalisation et la maintenance. De fait, cela incite le concepteur/réalisateur à ne pas bâtir quelque chose qui devrait être renouvelé tous les 3 ans, qui serait très cher en maintenance, mais à penser à la phase d’après. Par ailleurs, bien que le marché soit sur une durée de 15 ans après la mise en service, nous demandons à nos soumissionnaires d’établir un chiffrage global des coûts de maintenance et de renouvellement sur une période de 30 ans. Enfin, nous imposons l’application de la norme ISO 55000 sur l’asset management, qui couvre le cycle complet de vie d’un ouvrage (coûts de conception, de réalisation, de maintenance et même de démantèlement).
Le C08 dispose d’une gestion centralisée. Est-ce que ce système est appelé à être généralisé ?
Complètement. Sur le tunnel en phase d’exploitation, nous nous attendons (et avons spécifié) un système de SCADA, de GTC, de supervision en temps réel, un système de récupération de toutes les données liées aux équipements du tunnel. Cette centralisation permettra au futur mainteneur de prendre les bonnes décisions par rapport à la circulation des trains, à la sécurité des usagers. Tout doit être piloté via un système hyperperformant.
« Nous voulons que l’innovation soit pratique et efficace et nous assurer que notre système ne sera pas obsolète dans 10 ans, mais orienté vers le futur »
Vous avez publié récemment un document de référence…
Nous avons effectivement publié la version préliminaire de notre document de référence du réseau (DRR), dans lequel les entreprises ferroviaires (qui rouleront dans 10 ans) disposent dès maintenant de tous les éléments techniques sur le tunnel. La publication de cette version préliminaire du DRR nous permet également d’informer nos futurs clients. Nous souhaitons être les plus attractifs et séduisants possible, et favoriser le report modal.
A ce propos, quels sont vos objectifs ?
Nous avons comme objectif d’augmenter progressivement la part de report modal et de tripler le trafic fret dès les premières années d’exploitation, et ce, avant même la réalisation des accès français. Pour le trafic voyageurs, le temps d’un Paris – Milan ne sera pas fortement réduit avant l’arrivée des accès, le fait de libérer des sillons sur la ligne historique permettra, en revanche, d’augmenter le trafic TER sur la ligne Saint-Jean-de-Maurienne – Modane et réciproquement côté italien. Aujourd’hui, entre les trains fret, les TGV, les travaux, tracer des sillons dans la vallée est compliqué. En apportant un peu d’air, ce nouvel axe permettra d’augmenter le trafic régional et plus largement celui du territoire.
Propos recueillis par Frédéric Burguière