Les fédérations professionnelles engagées dans la construction et l’entretien des infrastructures d’eau et d’assainissement, tirent aujourd’hui le signal d’alarme. Dans un communiqué commun, Bruno Cavagné (président de la FNTP), Alain Grizaud (président de Les Canalisateurs) et Jean-Luc Ventura (président de l’UIE) l’affirment : "le modèle économique de l’eau est en péril car l’équation financière est loin d’être soutenable. Nous n’avons cessé d’alerter ces dernières semaines sur le manque d’investissement dans notre patrimoine de l’eau estimé à 2 à 3 Mds€ chaque année en entretien (canalisations, stations de traitement, génie civil, pluvial…)."
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Dans la balance de ce manque d’investissement, on trouve l’état des infrastructures, leur pérennité, leur sécurité et leur conformité. Au taux actuel de renouvellement de nos canalisations, il faudrait en moyenne 160 ans pour les renouveler entièrement. Le résultat est hélas bien connu des spécialistes : les fuites représentent près d’un litre d’eau sur cinq.
Et les 3 présidents de s’interroger : jusqu’à quand la facture d’eau financera-t-elle le modèle économique ?
Le grand cycle payé sur la bête
Le second volet des Assises, consacré au grand cycle de l’eau,s’est achevé le 1 er juillet dernier. S’il a permis de fixer une série d’objectifs (mieux économiser l’eau face au changement climatique et aux situations de stress hydrique, restaurer le bon état écologique des cours d’eau, protéger les captages, développer des solutions alternatives comme le recours aux eaux non conventionnelles, etc.), il s’appuie sur la seule facture d’eau pour les financer. Acquisition de terres agricoles par les services d’eau, projets alimentaires territoriaux, paiements aux agriculteurs pour services rendus à l’environnement, etc., tout se fait sur la facture. Déjà que le petit cycle de l’eau est à la peine... Pour les présidents, "le petit cycle ne peut et ne pourra pas à lui seul financer l’ensemble de la politique de l’eau en France ! Il le pourra d’autant moins que l’accent mis sur les nécessaires économies d’eau risque de rétrécir fortement l’assiette de financement."
Revoir le prix de l’eau
En conséquence, et à moins d’une réévaluation rationnelle du prix de l’eau, ce rétrécissement de l’assiette conduira inévitablement les collectivités à reporter leurs investissements dans leurs infrastructures, investissements qui n’ont pourtant jamais été aussi urgents.
"Entre ambitions accrues et moyens qui semblent demeurer constants, voire en baisse, les Assises de l’Eau dessinent une équation financière qui n’est pas tenable pour les collectivités", expriment en coeur les 3 présidents. Ils poursujivent : "Celles-ci ne pourront que solliciter les entreprises de l’eau pour tenter de résoudre une situation inextricable en terme de commande publique. Ainsi, si elles se concrétisent, les orientations des Assises pourraient paradoxalement mettre en danger les entreprises de l’eau."
Les entreprises en danger
Très tendue à l’heure actuelle, la situation financière des entreprises les expose à des cessions, comme en témoigne, encore récemment, le choix du groupe Saint Gobain avec sa filiale PAM.
Des solutions existent et elles ont été proposées dès avril 2018 :
- renforcer d’urgence le principe pollueur-payeur qui pourrait prendre la forme d’une Responsabilité Élargie du Producteur
- supprimer le plafond mordant qui permettrait de libérer presque 2 milliards d’euros supplémentaires, une nécessité au regard de l’ampleur des chantiers à mener,
- réévaluer de façon cohérente le prix du m3 d’eau, principal élément constitutif du modèle économique de l’eau en France,
- faire en sorte que les investissements dans les infrastructures de l’eau soient éligibles aux financements européens (type fonds FEDER et FEADER) dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, ce qui n’était pas le cas auparavant.