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[EXCLUSIF] L’alliance du click et de l’acier

PUBLIÉ LE 28 OCTOBRE 2020
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[EXCLUSIF] L’alliance du click et de l’acier
BTP Rail a interrogé Marc-Antoine de Dietrich, le président du directoire de Vossloh Cogifer, sur les stratégies industrielles mises en œuvre par l’équipementier pour renforcer son leadership et tirer son épingle du jeu dans un secteur marqué par un niveau d’exigences très marqué.

BTP Rail : Monsieur le président, vous êtes à la tête de Vossloh Cogifer, une entreprise centenaire qui a fait des aiguillages sa spécialité et filiale française de Vossloh AG. Pouvez-vous en préambule à cette interview nous décrire la place de Vossloh Cogifer au sein du groupe ?

Marc-Antoine de Dietrich : Vossloh Cogifer est un des leaders mondiaux dans les domaines de la fabrication, la commercialisation et la maintenance d’aiguillages. Ses activités, qui remontent à plus d’un siècle si l’on se réfère à la création en 1904 de la Société d’Embranchements Industriels (SEI) à Soissons, concernent la fourniture de systèmes complets d’aiguillages et de tous les composants que sont les installations de commande d’aiguillages, les produits de signalisation, les cœurs de voie en manganèse, les lames d’aiguilles, jusqu’aux systèmes de surveillance des voies et les produits de téléphonie dédiés à la sécurité ferroviaire via notre société Siema Applications. Générant 470 M€ de chiffre d’affaire en 2019, les activités portées par Vossloh Cogifer sont intégrées dans la division « Customized Modules » de Vossloh AG.

BTP Rail : Une des trois divisions du groupe…

Marc-Antoine de Dietrich : C’est exact. Les deux autres divisions du groupe étant dédiées, pour Core Components, aux systèmes de fixations de rails et la production de traverses en béton sur les marchés américain et australien, et pour Lifecycle solutions, à l’ensemble des services personnalisés en matière de soudures, de transport, de maintenance préventive et de recyclage de tous types de rails. Je profite d’ailleurs de ce tour d’horizon, pour mentionner la création en 2019 de l’unité Vossloh Services France (VSF) qui permet de répondre à la demande croissante de nos clients français dans le domaine des services ferroviaires et de transports urbains. Ces services concernent notamment les travaux de maintenance spécifiques sur les systèmes d’appareils de voie, la gestion des pièces de rechange et la maintenance sur mesure des rails.

BTP Rail : Quels sont selon vous les évolutions marquantes du marché des équipements ferroviaires ?

M.-A. de D. : Je vois trois faits majeurs, à savoir des marchés de plus en plus exigeants aves des entreprises de travaux confrontées à des délais sans cesse plus serrés, une concurrence accrue qui impose d’offrir de nouveaux services pour se démarquer, et une demande forte de nos clients en matière de digitalisation dans un soucis d’optimisation de la maintenance. Plus globalement, je dirais que le marché est soumis à un changement radical de paradigme avec comme perspectives une plus grande durabilité des produits et une coopération plus étroite notamment sur le sujet de la numérisation.

BTP Rail : Commençons par l’exigence accrue en termes de délais de livraison. Pour y répondre, Vossloh Cogifer a entièrement revu l’organisation de trois de ses sites de production en France.

M.-A. de D. : En effet. Nous finalisons actuellement la mise en œuvre de notre stratégie de spécialisation industrielle qui concerne les sites de Reichshoffen, de Fère en Tardenois et d’Outreau, notre centre de compétence pour la technique de fonderie racheté par Vossloh en 2013. Chaque site se concentrant désormais sur un secteur précis d’activité, et ce afin d’éliminer les redondances, de baisser nos coûts de production tout en améliorant de façon significative notre leadtime (1). Dans cette nouvelle organisation, le site de Reichshoffen se focalise sur la partie production, c’est-à-dire l’usinage des aiguilles et contre aiguilles et le montage des demi-aiguilles, tout en conservant sa spécificité en conception de produits de signalisation. Le site de Fère en Tardenois rassemblera toutes les activités d’assemblage et de montage des ADV ferroviaires. C’est depuis ce site que sera expédié l’ensemble de nos produits directement sur les chantiers par voie routière ou au moyen de wagons pupitres dans le cas d’ADV pré-montés. Quant au site d’Outreau Technologies qui a fait l’objet d’un investissement de 45 M€ sur la période 2018-2021 pour augmenter sa productivité. Il sera dédié à la coulée des cœurs d’aiguillages ferroviaires en acier au manganèse et à la soudure des antennes.

BTP Rail : Vous avez émis le souhait d’une collaboration plus étroite avec vos clients. Qu’entendez-vous par là ?

M.-A. de D. : Il s’agit de réunir les conditions qui feront avancer la qualité de nos produits et favoriseront l’essor de nouveaux services au bénéfice de nos clients que sont les gestionnaires de réseaux. Pour relever le double défi de l’optimisation de la disponibilité des lignes ferroviaires et de la réduction des coûts de maintenance, nous aspirons à une coopération plus intensive nous laissant la possibilité d’examiner la voie ferrée avec notre savoir-faire technique global pour obtenir davantage d’informations concernant le degré d’usure des aiguillages et des rails. Nous sommes en effet en mesure d’apporter nos propres solutions, qu’il s’agisse d’équipements d’inspection et de surveillance ou de solutions logicielles qui permettent non seulement de visualiser l’état, mais également de tirer des conclusions sur la base des données recueillies et de mettre en œuvre, dans le cadre d’un partenariat, des mesures de maintenance préventive et de réparation appropriées. Ce partage de la data avec le gestionnaire de réseau nous apparaît comme une démarche intelligente, tournée vers l’avenir.

BTP Rail : Quels sont les freins à ce changement ?

M.-A. de D. : Ils sont multiples à commencer par le fait que SNCF Réseau était encore récemment structurée sous la forme de silos étanches. La nouvelle organisation a, il est vrai, remplacé la structure pyramidale par un schéma transverse articulé autour de projets. C’est un bon signe, mais il faut aller plus loin. Prenons comme exemple un appareil de voie constitué, en grossissant le trait, d’une partie métallique et d’une partie commandes. Et bien la partie acier est gérée par le pôle infrastructure de SNCF Réseau, tandis que les systèmes de manœuvre et de sécurité le sont par le pôle signalisation. Mais pour nous, un ADV est un système complet et il y aurait tout intérêt à casser ces cloisonnements, à ce que toutes les parties prenantes s’assoient à la même table pour créer de nouvelles synergies. Cependant, pour revenir au partage de la donnée, il faut bien avouer que c’est un sujet complexe et d’autant plus long à mettre en place que viennent se greffer des risques de cybersécurité et des enjeux de propriétés intellectuelles. Mais les murs commencent à bouger.

BTP Rail : Se dessinerait alors un nouveau produit qui serait la mise à disposition sur une période longue d’un appareil de voie et sa maintenance durant un certain nombre d’années ?

M.-A. de D. : Absolument. Cette offre inclurait un monitoring de l’équipement permettant aux opérateurs de réseaux et aux fabricants d’obtenir, sur la base des données collectées et interprétées par un expert des ADV, des informations fiables sur la durée de vie des installations et des instructions concrètes sur les mesures à prendre. Avec cette nouvelle offre intégrée, nous souhaitons développer des contrats de niveau de service afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque client pour la maintenance des rails, des appareils de voie et des dispositifs d’actionnement et de verrouillage. A ce propos, des contrats-cadre conclus dans d’autres pays européens, comme en Hollande ou plus récemment en Suède et incluant le meulage des appareils de voie et la gestion complète du projet, démontrent tout le potentiel de cette stratégie de partenariat.

BTP Rail : Des contrats de ce type ont-ils déjà été mis en place en France ?

M.-A. de D. : Sur le réseau ferré national, la ligne de conduite arrêtée par SNCF Réseau ne nous permet pas d’aller plus loin que la seule captation de la donnée brute qui est ensuite transférée vers les serveurs du gestionnaire. En revanche, ce type de rapprochement gagnant-gagnant existe d’ores et déjà dans le cadre de partenariat public privé où les opérateurs privés font appel à nous pour installer des capteurs et faire remonter des données interprétées. C’est le cas sur la LGV SEA ou sur la ligne à grande vitesse reliant Perpignan à Figueras où nous avons installé notre système Survaig pour surveiller continuellement l’évolution de certains paramètres garants du bon fonctionnement de nos équipements. Cette activité va être amenée à se développer avec les régions dans le cadre de l’ouverture à la concurrence de certaines lignes à des opérateurs qui choisiront de privatiser les opérations de maintenance. Tout le monde y gagnerait avec ce type de coopération, nous en sommes convaincus.
 
(1) Temps que prend la fabrication d’un produit de l’enregistrement à la sortie usine.
 
©BTP Rail
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