Point d’étape important dans la vie d’un projet d’ingénierie, les revues techniques sont l’occasion, pour une direction de projet, de passer au crible les différents sujets participant de la bonne intégration spatiale et fonctionnelle des éléments constitutifs du projet ou d’identifier les incohérences et les points à risque. Ces réunions sont aussi un moment privilégié pour synchroniser les spécialistes autour des dernières évolutions du projet. Il y a encore quelques mois, une maquette numérique restait difficile à appréhender pour un non-spécialiste... Pour pouvoir la consulter, il fallait être familier des outils de conception ou de visualisation 3D, disposer des logiciels à jour et savoir se repérer dans la multitude de modèles ou d’objets la constituant. De fait, à part quelques personnes qualifiées, peu d’acteurs au sein de la cellule de projet parvenaient finalement à s’approprier la maquette et son contenu, dans leur activité quotidienne. « C’est cet écueil qu’Egis a souhaité éviter sur le projet marseillais, en faisant vivre une tout autre expérience de la maquette numérique à ses équipes et à ses parties prenantes, grâce à l’utilisation d’une plateforme de collaboration BIM (solution Bimsync, de Catenda) dès le démarrage de la conception » explique Jérémie Huet, directeur de projets Egis.
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Grâce à cette plateforme, il est devenu possible pour l’ensemble des acteurs — et pas seulement les spécialistes BIM — de naviguer dans la maquette du projet et de consulter son contenu, à partir d’un simple explorateur web connecté à Internet. Et pour discuter du projet, plus besoin de surligner des plans ni de s’échanger des croquis par e-mail : la plateforme est en mesure de supporter des conversations techniques centrées sur des objets ou des lieux précis de la maquette et de les gérer elle-même jusqu’à leur clôture.
Une nouvelle forme de journal des points ouverts
Qu’est-ce que cela a changé ? En premier lieu, la maquette numérique est devenue, au fur et à mesure de sa constitution, le point de naissance ou le prolongement des discussions lors des revues de synthèse et de projet. « La possibilité de créer des "post-it" dans la maquette, de discuter autour d’eux, de les assigner aux spécialistes concernés et de les gérer dans un tableau de bord, a remporté l’adhésion de tous les ingénieurs et architectes de l’équipe » relève Nicolas Ferrara, Bim Manager. Les modèles à jour de la maquette sont ainsi aisément consultables par tous les intervenants qui peuvent alors analyser leur production au regard des interfaces avec les autres lots et déposer leurs remarques en ligne. « Au travers de la plateforme, c’est un peu comme si les revues techniques avaient lieu 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 » s’enthousiasme Jérémie Huet. Ainsi, près de 370 sujets ont émergé durant les études du site de maintenance et des 7 km d’infrastructures. Cette base de sujets, qui s’apparente à un journal des points ouverts techniques d’un projet, a permis de centrer les réunions pilotées par le responsable Synthèse sur les sujets qui méritaient d’être discutés de vive voix… tout en gardant trace des décisions prises et des sujets à approfondir par la suite.
La maquette, un catalyseur de l’intelligence collective
Par ailleurs, l’expérience marseillaise a montré qu’avec une maquette partagée, le responsable Synthèse n’était plus seul en charge d’identifier et résoudre des problèmes. L’accès pour tous à la maquette a permis de mettre à profit les expériences et points de vue de chacun, mais aussi d’actionner l’intelligence collective de l’équipe. Enfin, les projets complexes comme celui du tram de Marseille mobilisent des spécialistes très différents, qui ne sont pas toujours du même monde. La maquette numérique ne révolutionne sans doute pas leur travail, mais elle leur sert d’« objet frontière », c’est-à-dire de support intelligible leur permettant de se comprendre plus aisément, sans effort particulier de traduction.
Une collaboration plus naturelle… mais pas automatique
Ces 18 mois de pratique à Marseille ont montré que les dernières plateformes BIM mettaient les maquettes à la portée de tous et facilitaient la collaboration. Le chemin n’est plus très long pour que les maîtres d’ouvrage et leurs partenaires en tirent eux aussi directement avantage au quotidien. Mais si la collaboration autour des maquettes semble naturelle, l’interopérabilité entre les différents outils métiers 3D, l’organisation des données (pas moins de 130 modèles dans le cas présenté ici !) et la gestion des flux d’informations requièrent toujours, malgré tout, une maîtrise des méthodes d’échanges BIM et un suivi rigoureux. « A Marseille, sans la mobilisation d’un BIM intégrateur au sein de l’équipe, la démarche n’aurait pas été aussi probante » conclut Jérémie Huet.
(1) Article extrait du livre blanc d’Egis sur le « jumeau numérique, une plateforme de services durables », Jérémie Huet & Nicolas Ferrara
Le projet marseillais en bref
Le réseau de tramway de la ville sera équipé de 6,2 km de lignes supplémentaires, du nord au sud de la ville. Le tracé du tronçon nord s’étendra d’Arenc, terminus actuel des lignes T2 et T3, jusqu’à la station "capitaine Gèze", soit un tracé de 1,8 km comprenant 4 stations. Le futur pôle multimodal de “capitaine Gèze” intégrera donc le tramway aux côtés du métro et des bus. Le tracé du tronçon sud reliera quant à lui la place Castellane au boulevard de la Gaye sur 4,4 km et comportera 10 stations. Le projet comprend également la création d’un site de maintenance et de remisage des tramways comportant, en superstructure, un Parking Relais P+R sur le site Dromel Montfuron.
Les missions d’Egis
Le groupement mené par Egis, avec les architectes Carta Associés, Stoa et le designer Ora Ito, assure la maîtrise d’œuvre complète du prolongement des lignes Nord et Sud du réseau de tramway de Marseille. À proximité de l’hypercentre, le groupement est aussi en charge du site de maintenance et de remisage, ainsi que du pôle d’échanges Dromel.