Dans un plaidoyer, ils alertent les pouvoirs publics sur les risques d’une remise en cause de la trajectoire carbone pour les filières professionnelles de la construction. Fragiliser les filières de la construction et le développement des territoires Une remise en cause des ambitions initiales de la RE2020 compromettrait les investissements réalisés depuis plusieurs années par les acteurs de la construction, tant sur le plan industriel que territorial. À titre d’exemple : les industriels de la construction biosourcée ont investi 150 millions d’euros ces cinq dernières années et prévoient 80 millions supplémentaires d’ici 2030, pour porter la capacité de production à 80 millions de m² de matériaux biosourcés (capacité aujourd’hui utilisée à moins de 50 %) ; les acteurs du hors site, quant à eux, ont investi en avance de phase : leur outil industriel est déjà en mesure de doubler la production à équipement constant. Tout report ou réduction de l’ambition environnementale risquerait d’affaiblir la dynamique engagée, de ralentir les innovations et de compromettre le retour sur investissement, décourageant ainsi les engagements industriels.
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La commande publique et privée est aujourd’hui marquée par une accumulation d’exigences multiples sans hiérarchisation claire : performance énergétique, coût, délai, intégration de matériaux biosourcés ou de réemploi, modes de transport, approche constructive, etc. Ce cumul d’objectifs, parfois peu réalistes et contradictoires, complexifie les opérations, alourdit les procédures et engendre des surcoûts. Par ailleurs, le déplacement progressif de la prescription technique du maître d’œuvre vers le maître d’ouvrage prive les concepteurs de leur capacité à proposer les solutions les plus adaptées au contexte de chaque projet. Il est essentiel que les maîtres d’ouvrage priorisent leurs objectifs et adoptent des méthodes d’achat favorisant l’intelligence collective. C’est à cette condition que les réponses techniques et économiques pourront être plus équilibrées, efficaces et durables.
L’expérience de la RT2012 l’a montré : toute nouvelle réglementation implique une phase d’adaptation. Selon une étude de l’UNTEC (Observatoire permanent des coûts de la construction, Impact de la RT2012 et prospectives concernant la RE2020), la courbe d’apprentissage des acteurs a généré un surcoût temporaire de quelques années, rapidement amorti. Il en va de même pour la RE2020. Les professionnels de la construction en sont pleinement conscients : il leur faut du temps, des retours d’expérience et un accompagnement adéquat pour intégrer efficacement les nouvelles exigences et optimiser les coûts.
L’analyse du seul coût au mètre carré masque une réalité plus complexe. Toujours selon l’UNTEC, le surcoût moyen lié au seuil 2028 de la RE2020 serait de l’ordre de 7 %, dont seulement 1 % lié aux matériaux biosourcés et 1 % à l’indicateur carbone ICConstruction. Mais ce surcoût doit être mis en perspective avec les bénéfices concrets : réduction des déchets et des transports, diminution des coûts d’exploitation, durabilité, évolutivité des usages, facilitation du réemploi, etc. La construction hors site en particulier permet d’optimiser les ressources tout au long du cycle de vie du bâtiment. « L’urgence n’est pas de revoir les objectifs de la RE2020 à la baisse. L’enjeu réel à court terme est de soutenir la montée en compétence des acteurs de la filière via des guides pratiques et des outils adaptés, des formations ciblées, le partage de retours d’expérience et un travail d’objectivation, mais aussi via la mise en réseau des parties prenantes au sein des territoires. C’est ainsi que les professionnels pourront pleinement s’approprier les exigences de la RE2020, améliorer la qualité des projets et maîtriser les coûts, tout en répondant aux enjeux climatiques et économiques de la construction de demain », déclarent Éric Aurenche (ACIM), Céline Beaujolin (Filière Hors-Site), Vincent Hannecart (AICB), Julie Laurin (RFCP), Jean-Luc Lesoin (FEDECOMAT) et Jonathan Leplay (FEDECOMAT).