Les constructions en limite de propriété posent souvent des difficultés de voisinage, quand le propriétaire de la construction souhaite passer sur le terrain de son voisin pour construire ou entretenir son bâtiment.
Initialement, la jurisprudence soucieuse de préserver le droit de propriété avait posé des conditions très strictes à l’octroi d’une servitude de tour d’échelle : - les travaux doivent avoir un caractère indispensable et permettre le maintien en bon état de conservation d’une construction existante ; - l’accès par la propriété du voisin suppose que toute tentative pour effectuer les travaux de chez soi, même au prix d’une dépense supplémentaire, se soit révélée impossible ; - les modalités de passage, la marge d’empiètement et le temps d’intervention devaient être aussi restreints que possible, le juge pouvant en définir les limites ; - le propriétaire voisin est en droit d’obtenir des dédommagements au titre des détériorations éventuelles et des troubles de jouissance inhérent au chantier. Les deux premières conditions sont celles qui ont posé le plus de difficultés, une réponse ministérielle du 25 janvier 1988 ayant précisé qu’une servitude de tour d’échelle ne pouvait être octroyée au bénéfice d’un bâtiment à construire. Cependant, confrontée à la densification du tissu urbain, la jurisprudence a été amenée à assouplir sa position. Ainsi la Cour d’appel de Toulouse a admis que la servitude de tour d’échelle pouvait être octroyée pour une construction neuve (CA Toulouse, chambre 1 section 1, 4 mai 2009, n°08/02994). De même la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 16 mars 2011, a décidé que le passage nécessaire sur le fond d’autrui, notamment pour réaliser des opérations de construction auxquelles l’issue sur la voie publique ne suffit pas, peut être autorisé sur le fonds voisin à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. (CA Versailles, 14ème chambre, 16 mars 2011, n°10/02881). La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 23 mars 2012, s’inscrit dans ce courant jurisprudentiel, par une motivation très générale : «Considérant que le droit de construire en limites de propriété est la règle en zone urbaine dense, et non pas l’exception, que lorsque les constructions en limite de propriété ne sont pas autorisées – situation qui se raréfie- le propriétaire est tenu de laisser, sur sa propriété, une bande de terrain suffisante pour assurer la construction et l’entretien de son ouvrage, ce qui est appelé le tour d’échelle, que lorsque le droit de construire en limites de propriété est accordé, soit par la règlementation, soit par les conventions privées, soit en application conjointe des deux comme en l’espèce, la conséquence inévitable, nécessaire, est que le « tour d’échelle » est reporté sur la propriété voisine, et que cette situation qui est à l’évidence connu de tous les propriétaires, qui est parfaitement apparente, publique, se répercute tout aussi nécessairement sur leurs droits et obligations » (CA Paris, 23 mars 2012 (avant-dire droit) pôle 4 chambre 6 n° 10/10935). Les promoteurs ne pourront qu’être satisfaits de cette décision emprunte de réalisme. Bien évidemment, la gêne occasionnée par l’octroi du tour d’échelle devra être la plus minime possible et les propriétaires voisins indemnisés des préjudices subis. Valérie Desforges, avocat associé Département construction et immobilier DS Avocats www.dsavocats.com