Le philosophe Michel Serres, du haut de ses 85 ans, a livré une conférence sur le thème "Inter-générations et nouvelles technologies" à l’issue de l’Assemblée générale de la Fédération des entreprises internationales de la mécanique et de l’électronique (Ficime). Une intervention à la fois enthousiaste et précieuse, car procurant une analyse sereine qui contraste avec le tumulte contemporain.
Michel Serres était donc l’invité d’honneur de la Ficime ce jeudi 11 juin. Philosophe, écrivain et membre de l’Académie française, l’intellectuel nous fait toujours autant profiter d’un regard rationnel et en même temps nouveau sur le monde qui nous entoure. Invité à s’exprimer sur les différences, voire les fossés qui peuvent séparer les anciennes générations des plus jeunes, ainsi que sur le rôle et la place occupés par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, Michel Serres a commencé par déclarer que "Les vieux apprennent l’histoire aux jeunes, mais ce sont les jeunes qui apprennent aux vieux à se servir d’un smartphone…".
Le philosophe a également pointé du doigt des phénomènes palpables, comme la place croissante de la femme dans les activités économiques depuis 50 ans, mais aussi l’explosion des technologies, notamment portatives, amenant à l’externalisation des supports. La Révolution industrielle aidant, la mécanisation et l’automatisation des techniques a bouleversé le monde du travail. "Il y a eu une transformation colossale de notre rapport au temps. Le monde a changé. Mais l’espace a aussi muté : les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont aboli la notion de distance pour nous placer dans un voisinage permanent", a relevé l’académicien.
Une population mondiale majoritairement urbaine et inter-connectée
En effet, la mémoire, les images et les facultés, instruments dont l’Homme dispose, sont désormais contenues dans l’ordinateur. On a donc procédé à une externalisation de notre système nerveux vers un nouveau support. Une opération qui s’était déjà produite, jadis, avec les livres ! Mais alors, que reste-t-il dans nos têtes ? "L’intelligence, l’invention, l’innovation", répond Michel Serres. "Certes les nouvelles technologies détruisent des emplois, mais elles nous procurent un gain intellectuel faramineux. Mais plus que jamais, nous sommes condamnés à devenir intelligents."
Une personne présente dans la salle a pris la parole pour demander à l’académicien : "Mais, vous qui avez vu le monde et les gens changer, vous n’êtes pas un peu frustré de constater ce que nous sommes devenus et vers quoi nous nous dirigeons ?". Et Michel Serres de répondre : "Oh, non. Car, comme quand j’étais gamin, je suis toujours autant émerveillé quand je lève les yeux pour admirer les étoiles la nuit tombée, et je me dis que le monde qui nous entoure est fantastique. Alors, non, je ne suis pas frustré. Je suis enthousiasmé", a-t-il conclu avec un sourire apaisant dans la voix.