« Le produit bâtiment se dégrade et devient de plus en plus inaccessible, abonde Pascal Chazal, créateur d’Ossabois. La faute a une politique affirmant que la construction doit se dérouler directement sur le chantier. C’est tout à fait faux ». De ce constat, pas difficile de comprendre pourquoi l’industrialisation de la construction est si compliquée. Pour ce professionnel, le modulaire est une réponse pertinente et économique à ce retard économique. « En Europe et aux Etats-Unis, le modulaire représente un marché de 130 milliards de dollars. Les initiatives fleurissent partout. A Toronto, avec la Google Town, ou plus près, en Suède, où l’entreprise Boklok est parvenue à des logements modulaires 25% moins chers que des logements conventionnels », énumère-t-il.
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Le béton, « réflexe naturel hérité de l’après-guerre », représente 8% des émissions mondiales de carbone. La construction quant à elle, pompe plus de 50% des ressources de la planète. « Ajoutons à cela que la chaîne de production immobilière est trop complexe. Elle manque de main d’œuvre, poursuit Pascal Chazal. La plupart des heures passées sur un chantier sont perdues. Car un ouvrier aura passé 34% de son temps à déplacer jusqu’à huit fois des matériaux ! ». Résultat, l’efficience est inférieure à 20%, la sinistralité a augmenté de 75% en 10 ans, les délais de livraison explosent (4 à 5 mois en moyenne) et les coûts s’envolent (+7,5% en 2018 à Paris).
L’industrie loin devant
Alors que l’industrie galope loin vers l’efficacité grâce à une organisation collaborative, une standardisation intelligente et une amélioration continue qui ont conduit à un facteur de non-qualité inférieur à 1%, la construction reste à la traîne. « L’organisation est segmentée, chaque bâtiment est en fait un prototype car l’architecte n’a pas la logique de standardisation. Un hôtel Ibis peut ainsi intégrer 18 typologies de chambres différentes ! Quant à l’amélioration continue, il n’y en a pas », observe Pascal Chazal. Le constat est sévère : le secteur enregistre un facteur de non-qualité de 30%. L’affirmation du dirigeant n’est pas tirée du néant. Mark Farmer est parvenu à la même conclusion dans son ouvrage « Modernise or die » (« Moderniser ou mourir »).
Tout n’est pourtant pas perdu
La chaîne hôtelière CityzenM a pris le problème à bras le corps. Son hôtel à Amsterdam a été construit hors-site. Le bâtiment en R+10 est constitué de modules bois aux planchers en béton et dotés de panneaux CLT (bois lamellé croisé). « Le chantier a atteint une efficacité stupéfiante : 10 modules étaient posés par jour », indique Pascal Chazal. Notons qu’à ce procédé, on ne peut nier une logique d’économie circulaire. Les modules sont facilement désassemblés, peuvent être réemployés et recyclés. A Londres, le nouvel écoquartier au cœur de Greenford construit par Greystar est 100% modulaire. Le travail collaboratif s’est révélé entre 9% et 30% plus efficace. Tracassé par une nécessaire modernisation de 500 de ses écoles, le gouvernement britannique montre l’exemple. Pour chaque école, un délai de 18 semaines a été respecté en optant pour des établissements modulaires, par ailleurs 10% moins cher que la normale.
Modulaire et numérique pas antinomiques
Dans un autre registre, la société Katerra a créé aussi sa propre révolution. Cette entreprise de construction hors-site part du principe que le choix à l’infini est une hérésie. En faisant appel à des solutions robotisées, elle intègre et informatise toutes les étapes de la construction. « En combinant la construction hors-site à la maquette numérique, on tient le couple gagnant », conclut Pascal Chazal.