Chahutée, la SNCF avait riposté dès le 3 septembre dernier par la voix du directeur général de son entité SNCF Gares & Connexions. Dans une tribune, ce dernier avait rappelé que le projet de rénovation de la Gare du Nord tel qu’il a été validé par StatioNord, la société en charge du projet, bénéficiera "prioritairement les voyageurs du quotidien, les millions d’usagers des RER et des trains de banlieue". "Pour eux, la nouvelle gare sera plus grande (deux fois et demie), plus accessible, plus agréable et proposera plus de services et de commerces. Les connexions avec les RER B, D et E et les métros des lignes 2, 4 et 5 seront plus rapides et plus simples pour les voyageurs", avait plaidé le responsable dans les pages du Monde. Il avait également souligné l’intérêt "zéro déchet" de ce projet.
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Cette sortie médiatique s’était accompagnée d’une campagne de communication visant à démanteler une à une "12 idées fausses sur le projet Gare du Nord 2024". Le communiqué de presse, transmises aux principales rédactions du pays, rappelle la nécessité d’importants travaux en raison de l’augmentation du trafic ferroviaire, de l’insécurité qui règne dans la gare, et de l’importance de s’ouvrir à l’Europe. Au "gâchis patrimonial", la SNCF insiste sur son intention de "magnifier" "un joyau architectural". Face aux critiques sur l’offre commerciale démesurée, elle rappelle l’absence d’hypermarché et un parcours libre sans contrainte de passer par les commerces. Balayée aussi l’évocation d’un "non-sens environnemental", la SNCF entend en faire une gare "éco-citoyenne", "zéro carbone", "végétalisée", avec un objectif de "zéro déchet" et des mobilités douces. Et de rappeler notamment que le projet fera l’objet d’une gestion publique, qui n’entraînera aucune hausse du prix des billets ni endettement de la part de la SNCF. Enfin, cette dernière affirme que le chantier sera livré à temps pour les JO 2024
Les politiques s’en mêlent
La contre-attaque était bien orchestrée ; c’était sans compter sur l’intervention de Jean-Louis Missika et Alexandra Cordebard, deux adjoints d’Anne Hidalgo à la Mairie de Paris, qui, à leur tour dans une tribune, ont appelé à revoir le projet malgré un avis favorable au Conseil de Paris en juillet dernier. La pierre d’achoppement ? L’offre commerciale qui constitue, à leur sens, "le contraire de ce qui est nécessaire" et le coût "pharaonique" du projet. Ils avaient par ailleurs assuré que la Mairie de Paris était "prête à assumer sa part" pour financer la transformation, en lieu et place du projet SNCF/Auchan. Ni une ni deux, Valérie Pécresse avait donné de la voix : "Il n’y aura pas plus de commerces que dans la gare d’Austerlitz, qui compte bien moins de voyageurs". En réalité, la présidente de la région Ile-de-France craint "des années de retard" dans la mise en oeuvre d’un projet qui ne "peut pas attendre". "La situation de la gare du Nord est indigne de Paris et de la région. Ce quartier est une honte pour l’Ile-de-France, alors que ce devrait être le plus dynamique de la capitale", avait-t-elle martelé. Quant au financement, l’édile s’est refusée de "financer cette opération sur des deniers publics: je ne suis pas prête à augmenter le passe Navigo ou à créer des taxes pour satisfaire des considérations de campagne électorale à Paris".
Verdict au 10 octobre
En attendant la décision de la commission nationale d’aménagement commercial, auquel sera soumis le projet le 10 octobre prochain, Anne Hidalgo essuie une vague de critiques, l’accusant de faire du "revirement électoraliste", dans l’optique d’une réélection en mars 2020. En marge de ses virulents opposants politiques, soulignons l’intervention ironique de l’écologiste David Belliard qui s’est déclaré "heureux" de ce changement d’avis tout, en pointant tout de même "un problème de cohérence". "Faut-il s’attendre à d’autres revirements sur la rénovation de la gare Montparnasse, de celle d’Austerlitz, ou le projet de ZAC Bercy-Charenton ?", s’est-il interrogé publiquement.