Implication, motivation, compétition, les raisons invoquées sont nombreuses pour conditionner le montant d’une partie de la rémunération, versée sous forme de primes ou bonus, à la réalisation d’objectifs, individuels ou collectifs, plus ou moins imposés.
Ces techniques de rémunération variable ne peuvent évidemment pas conduire à abaisser la rémunération globale en-dessous des minima légaux et conventionnels (arrêt du 2 juillet 2002) et elle en constitue parfois une part non négligeable.
Si le contrat de travail ne précise pas que les objectifs doivent être déterminés avec l’accord du salarié, l’employeur peut les fixer unilatéralement dans le cadre de son pouvoir de direction. Toutefois, cette liberté est encadrée et la Cour de Cassation vient encore de le rappeler.
Des objectifs déterminés avec objectivité et réalisme
Deux conditions doivent être respectées dans la détermination des objectifs imposés au salarié, l’une tenant à leur nature, l’autre à la qualité de l’information qui en est donnée au salarié. Tout d’abord, les objectifs doivent être «objectifs », c’est-à-dire, fondés sur des éléments indépendants de la volonté de l’employeur. Ils doivent ensuite être réalisables (arrêt du 2 mars 2011). La fixation d’objectifs irréalisables est prohibée, le salarié doit être en mesure de les atteindre, dans des conditions normales. Concrètement, il peut s’agir d’une prime déterminée en fonction du nombre de clients démarchés, du développement du chiffre d’affaire, de la maitrise des frais professionnels, du respect de remises, etc. Dans tous les cas, l’employeur devra être en mesure de démontrer que lorsqu’il a fixé les objectifs, ils étaient « réalisables », et qu’il en a apprécié la réalisation en fin d’exercice avec « réalisme ». L’employeur doit également s’assurer de la bonne compréhension des objectifs par le salarié auquel ils sont assignés. La Cour de Cassation exige ainsi que seuls des objectifs rédigés en français sont opposables au salarié (arrêt du 29 juin 2011), et qu’ils doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. Le salarié n’est tenu à la réalisation des objectifs unilatéralement fixés par son employeur que s’il n’en connaissait la teneur, sans omettre de rappeler que la jurisprudence impose que le salarié soit également en mesure de connaître les modalités de calcul de sa rémunération variable (arrêt du 18 juin 2008)
Des objectifs annuels déterminés chaque année
L’employeur est tenu au strict respect de la règle contractuelle. Si les objectifs ne sont pas tacitement reconduits d’une année sur l’autre, il doit prendre soin de les définir chaque année sous peine de voir son manquement constituer une faute contractuelle justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par son salarié. C’est en effet ce qu’a récemment décidé la Cour de Cassation (arrêt du 29 juin 2011) « lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur, le défaut de fixation desdits objectifs constitue un manquement de l’employeur son obligation justifiant, a lui seul, que la prise d’acte produisent les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
A l’impossible, nul n’est tenu
La non-réalisation des objectifs ne justifie pas en elle-même un licenciement. La rupture ne peut être envisagée qui si les objectifs étaient réalistes et réalisables et si la preuve de manquements du salarié qui ne les a pas atteints peut être rapportée (arrêt du 3 octobre 2007).
Par Alain Ménard
Avocat associé
Racine, cabinet d’avocats