[ GRAND FORMAT ]

Les bourreuses Matisa : 75 années d’innovation

Après un premier volet dédié aux trains de renouvellement et de pose, BTP Rail s’intéresse à des engins de travaux qui ont largement contribué à forger la renommée internationale de Matisa : les bourreuses. Parmi les nombreux véhicules qui sillonnent à longueur d’années les réseaux ferrés, ces engins tiennent en effet une place de choix sur le chantier en réalisant les deux opérations essentielles que sont le positionnement de la voie et le compactage du ballast sous les traverses. Voici donc présentées les dates clés qui ont marqué cette belle aventure industrielle, car à l’instar de Rome qui ne s’est pas faite en un jour, il a fallu de nombreuses années pour parvenir à ce bijou technologique capable de réaliser simultanément le bourrage, le dressage, le nivellement et la stabilisation de la voie..
1931

Arrivée sur le marché des premières bourreuses-caleuse « Standard » qui augmentent fortement la qualité de compactage du ballast sous la traverse. Posée sur deux essieux, cette bourreuse à entraînement mécanique et mouvement pneumatique disposait d’unités de bourrage Scheuchzer. Révolutionnaire, elle effectuait le travail réalisé jusque-là par 20 à 30 hommes à la pioche. L’engin restait cependant assez rustique et nécessitait la présence, en avant de la machine, d’une équipe d’ouvriers chargés de la mise à niveau définitive de la voie à l’aide de crics et d’une autre, à l’arrière, chargée du dressage. Ce n’est que trente ans plus tard que devaient apparaître les premières machines auto-niveleuse et dresseuses.
Années 50

Cette décennie voit arriver les premières bourreuses à entraînement hydraulique pour la montée-descente des outils de travail, à l’instar des B24 et B27. En 1956, Matisa lance une gamme de bourreuses légères, les BL et LCR, parallèlement au développement des bourreuses lourdes.
1961-1965

Mise sur le marché de la B60, une bourreuse avec cabine et à commandes entièrement électriques dont tous les mouvements sont gérés hydrauliquement. L’étape suivante sera la bourreuse niveleuse BN 60 disposant d’un système de levage avec appui sur ballast (le levage de la voie avec cric n’est plus nécessaire) et d’une base de mesure pour le nivellement. Puis la BNR 60, une bourreuse similaire à la BN 60, toutefois dotée d’un système de ripage réalisé par fils d’acier et un capteur électronique positionné sous le chariot. A noter que les BN 60 et BNR 60 garderont l’unité de bourrage originelle de la B 60. La technique avec arbre excentrique pour la vibration et vis trapézoïdale autobloquante pour l’ouverture et la fermeture ayant fait ses preuves. Enfin, l’année 65 verra l’arrivée des BNRI 80 (bourreuse niveleuse ripeuse indépendante) dont une des versions est disponible avec une unité de bourrage double tête : une prouesse mécanique permettant de traiter la pleine voie à une cadence de deux traverses à la fois. Mentionnons également que pour cette nouvelle génération de machines, l’appui sur le ballast est remplacé par un essieu porteur, le bissel.
1966-1970

Reprenant, entre autres choses, le principe de double tête apparue à la fin de la période des B 80 et bénéficiant d’un sérieux lifting au niveau de la mécanique, la carrosserie et la partie électrotechnique, les BNRI 85 et BMNRI 85 deviennent rapidement des bestsellers : « Ces machines constituent le cœur de Matisa, et il ne doit pas y avoir un réseau dans le monde qui n’en a pas vu passer » fait remarquer Philippe Boetti, directeur général délégué de Matisa France. Notons à ce sujet, la production d’une centaine de B 85 insonorisées pour répondre à une demande du marché japonais. L’introduction de l’insonorisation a par ailleurs conduit Matisa à trouver des solutions pour résoudre les problèmes spécifiques de charge à l’essieu de certains réseaux japonais.
Années 70

Ne disposant pas encore de machines pour l’entretien des aiguillages, l’entreprise met à contribution le savoir-faire de ses ingénieurs. Ces derniers réagissent rapidement et conçoivent la B 133 : « Cette machine permettant de traiter les voies et les ADV embarquait une technologie en avance sur l’époque ce qui n’a pas été sans entraîner de nombreuses difficultés de mise au point » avoue Philippe Boetti. Ce travail novateur a d’ailleurs contribué à asseoir la réputation de Matisa dans le domaine des bourreuses mixtes, un segment où elle est réputée aujourd’hui avec la gamme des B66U, B66UC et maintenant des B66UCD (bourreuse double tête à avancement continu).
1976-1980

Première bourreuse Matisa sur bogies et non plus sur essieux. Pour cette machine, la B 200, les ingénieurs préfèrent revenir à des technologies éprouvées en réutilisant la base de mesure et le groupe d’entraînement de la B 85. Le succès est au rendez-vous avec une centaine de machines produites.
1983

Cette année est à marquer d’une pierre blanche car elle voit naître le concept de bourrage elliptique à 42 Hz qui supplante la technologie de bourrage linéaire à 35 Hz. Augmentant de manière significative la pénétration des pioches, elle offre une meilleure compacité du ballast sous traverse et une excellente tenue de la voie dans le temps, tout en permettant une réduction des pertes de résistance latérale et une limitation du tassement irrégulier de la voie. « Le bourrage elliptique a fait des merveilles pour le bourrage des voies avec traverses métalliques, permettant la remontée du ballast dans la gamelle » note Lionel Cerri.
1986-1990

Lancement des bourreuses B 40 D, B 40 U et B 40 UE. Des engins sur 2 bogies qui constituent la suite logique du développement des bourreuses pour augmenter leur rendement.
1990-2000

La fin du XXe siècle est riche en évènements avec tout d’abord la 1re bourreuse de ligne à avancement continue, la B50 D. Pour la petite histoire, il se raconte que le 23 décembre 1989 au soir, à 19h30 exactement, Henri Dehé des Etablissements du même nom (racheté la même année par Cogifer) a commandé à Matisa 7 exemplaires de cette machine pour le marché français. « Une annonce qui a mis nos équipes sous pression car le prototype doté d’une navette de bourrage à avancement indépendant en était au début du montage. De plus, Matisa devait présenter cette machine à la VDEI de Zurich en mai 1990 » se souvient Joerg Ganz, ancien directeur technique de la division Bourreuse. Les années 90 ont vu également une évolution du marché avec des demandes émanant des entreprises pour traiter les aiguillages sur traverses béton. La réponse de Matisa a été la bourreuse combinée B 66 U (universelle), une machine à grand empattement et dotée d’un système pour le levage de la voie déviée. Mentionnons également l’année 1993 quand apparaît la première bourreuse équipée de la base de mesure optique de guidage Nemo, un standard de guidage qui a depuis fait ses preuves à travers le monde entier. Ou encore le lancement de la B45 avec une structure plus épurée et plus facile à insonoriser. Un challenge technique et financier que Matisa a relevé pour honorer une commande portant sur un nombre important de bourreuses au Japon.
2001-2009

Devant la demande des réseaux ferrés d’un rendement toujours plus élevé, Matisa décide de transformer sa bourreuse d’appareils B 66 U en une machine continue et extrêmement rapide, la B 66 UC. « C’est le couteau Suisse des bourreuses mixtes permettant le bourrage des appareils de voie en discontinu et le bourrage de la ligne à haut rendement à 850 m/h en pointe » précise Philippe Boetti. La France est le pays où le plus grand nombre de machines de ce type a été vendu avec 11 exemplaires.
2010-2020

Mise au point de Nemo II qui s’appuie sur la vingtaine d’années d’expérience acquises en base de mesure optique à 3 points. Les principales évolutions portent sur l’augmentation de la durée de vie des lampes, l’autodiagnostic du système lors du démarrage et durant le fonctionnement, l’amélioration de l’immunité aux réflexions et lumières parasites et l’auto-adaptation aux conditions de chantier par variation automatique de l’intensité des lampes. « Le changement de génération est facilement reconnaissable aux lampes bleus (ndlr : pour la première génération, les lampes étaient blanches) qui donnent un look futuriste aux bourreuses de nuit » précise Lionel Cerri.

Cédric Béal - 13/10/2020
Textes, photos et vidéos : tous crédits Groupe Cayola (sauf mentions contraires)