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Trains de pose et de renouvellement : un demi siècle d’innovation

C’est en Italie, au mitan des années 70, qu’apparaît le premier train de travaux qui bouleversera profondément l’univers de l’armement de voie et les méthodologies de travail sur les chantiers ferroviaires. Le concept proposé par son inventeur Sergio Valditerra (aujourd’hui GCF) est un véritable tour de force industriel qui consiste rien moins que dans le regroupement dans une seule machine de différents ateliers qui interviennent de façon simultanée pour renouveler l’ensemble des composants d’une voie ferrée : les rails, les traverses et le ballast. Limitant l'intervention humaine au minimum nécessaire, et en éliminant ainsi tous les risques que ce travail comportait à l'époque, ce train prototype breveté et commercialisé par Matisa sous le nom de Matisa P811, fut employé la première fois en 1978 en Australie. Lui et ses descendants connurent un succès immédiat auprès des entreprises de travaux malgré un ticket d’entrée élevé. Notons que Matisa est aujourdhui le leader incontesté des trains de renouvellement en Europe avec plus de 30 unités en activité (1).
1977-1979: 1er train de renouvellement P811 et P811-S (Systema Valditerra)

Le P811 et le P811-S renouvelle les rails et les traverses à travers un processus à avancement continu. Le P811-S se distingue du P811 par un gabarit réduit dû à son bogie central placé sur un traineau qui roule sur les anciennes traverses. Le chantier tire un important avantage du fait que l'avancement de la machine n'est plus freiné au cours des opérations de remplacement. Dans le cas des chantiers de renouvellement complet (RVB), cet avantage est encore plus marqué avec l’emploi en amont d’une dégarnisseuse-cribleuse dont le rendement est harmonisé à celui du P811.
1981 : le P90 LS

Evolution de la technologie de dépose et intègration d’un traineau à chenille.
1985-1993 : les étapes précédant le P95

P91 UMD : dépose renforcée et pose avec tirage amélioré pour travelage précis.
P93 UMD : nouveau groupe de travail et apparition du double traineau de chaque côté du bogie central pour répondre à l’augmentation du poids des traverses.
P93 LS&P : 1re train de renouvellement transformable en train de pose de voies nouvelles (InfraBel).

1995 : l’arrivée du P95

P95 UMD : zone de palettisation (tapis VT et NT) et portique à 30 traverses, intégration d’un wagon d’entraînement supplémentaire (WES).

1998-2020 : la descendance est assurée

P 21 (P95LS) : palettisation à la «française» : les traverses palettisées longitudinalement à la voie subissent une rotation de 90° sur les WTP. Cette contrainte imposée par la SNCF visait à empêcher le glissement des traverses mouillées et l’engagement du gabarit.
P 95 : palettisation dite «anglaise» où, en raison d’un gabarit plus étroit, les traverses tournent par lot de 8 via un portique P2RL.
P 95 T : intégration d’une chaîne d’excavation (2) dès 2007.
TEVO (P 95 T) : chaîne télescopique et intégration des opérations de criblage, bourrage, régalage et stabilisation (2017).
P95 : le dernier né des P95 acquis par GCF sort des usines de Crissier en 2018.
P95 T : acquisition en 2020 par Colas Rail pour les chantiers lgv (RT, RR), utilisation d’un seul portique block transférant un lit de 24 traverses chargées perpendiculairement à la voie et protégées lors du transport par des rideaux escamotables.
2000-2020 : le train de pose TCM 60

Conçu pour poser de nouvelles voies en continu, le TCM 60 a été un élément déterminant de la croissance du réseau ferroviaire chinois. Un chantier de construction de voie avec TCM est organisé en 2 étapes : le tirage des longs rails soudés sur la plateforme à l’avant de la machine (celleci est posée sur un train de chenilles), puis la pose des traverses suivi de l’insertion des rails sur les celles-ci. Le TCM 80 est la version renforcée du TCM 60. Alimenté par un portique P30TR (30 traverses) voire combiné à un wagon avant complémentaire, le TCM 80 peut gérer la traction d’une rame de wagons de traverses et rails allant jusqu’à 500 m. En 2011, le train TCM 60-R de Meccoli est pourvu d’un essieu qui offre la possibilité de dégager par l’avant : le TCM est alors passé d’un train de pose voie neuve à un train de renouvellement.
Paroles d’expert

« Sur les premiers chantiers en suite rapide, il était nécessaire de placer la dégarnisseuse avant le train de coupe pour casser le devers qui peut aller jusqu’à 160 mm entre les deux fils de rails voir 180 mm sur certaines sections de lgv. L’inconvénient majeur est que cela nécessitait le déplacement de beaucoup de matériaux, ainsi que beaucoup de passes de relevage. Aujourd’hui, avec les nouvelles suites conçues pour passer le devers (et des rayons de courbure plus serrés), la dégarnisseuse passe sur lignes classiques après le train de coupe sur un plancher neuf ce qui rend le chantier plus productif et évite également la casse au niveau des traverses bi-blocs » nous explique Lionel Cerri, responsable commercial Matisa France.
(1) France :5 ; Allemagne :6 ; Belgique :1 ; Pologne :2 ; Suède : 1 ; Pays-Bas :1 ; Italie :15, UK : 2
(2) L’intégration d’une chaîne d’excavation au concept du train de renouvellement P 95 permet l’enlèvement de l’excédent de ballast qui ne peut être poussé dans l’entrevoie ou en raison de la présence d’un quai. Cette chaîne garantit la pose de la nouvelle voie à la même altitude que l’ancienne. Le ballast dégarni peut ensuite être évacué vers un train de terre ou remis directement en place dans les cavités entre les traverses via un wagon de type Wacad.

Cédric Béal - 18/09/2020
Textes, photos et vidéos : tous crédits Groupe Cayola (sauf mentions contraires)