La crise du secteur du bâtiment se profile avec de plus en plus de certitude au fil des mois. La chute des ventes de logements, le repli marqué des permis de construire ainsi que la fin programmée des mesures de soutien tracent sans grand mystère le prolongement du déclin des mises en chantier pour les mois à venir… et par conséquent, celui de la demande de matériaux.
Au total, sur les huit mois de 2023 (chiffes connus août), le volume de granulats produits cède - 7,4 % sur un an, soit un peu plus que le repli enregistré en cumul sur douze mois (- 6,6 %). En cumul sur huit mois, l’activité du BPE perd - 5,6 % sur un an, soit quasiment le même recul que celui constaté en glissement sur douze mois (- 5,8 %). L’activité des matériaux pâtit donc d’une conjoncture constructive qui se dégrade tout en restant encore alimentée par des arriérés de carnets, sans doute très inégaux selon le degré d’urbanisation des territoires. L’indicateur matériaux, pour sa part, afficherait un repli de - 5,8 % en août sur un an (données provisoires, CJO), ce qui porterait l’évolution du cumul depuis le début d’année à - 8 % (contre - 9 % trois mois plus tôt).
S’il est vrai que l’indicateur synthétique du climat des affaires dans le bâtiment reste stable au-dessus de sa moyenne de long terme, l’opinion des chefs d’entreprise sur leur activité passée, future et sur leurs carnets de commandes continue, quant à elle, à se dégrader au fil des mois. C’est en tout cas ce que montre la dernière enquête menée par l’INSEE en septembre auprès des entrepreneurs du bâtiment, dont les soldes d’opinion ont désormais quasiment rejoint les moyennes de long terme après avoir culminé bien au-dessus pendant des années. Certes, le niveau des carnets reste élevé, à 9,1 mois de chantiers en stock dans le gros oeuvre (contre 6,4 mois en moyenne de longue période). Un tel niveau peut surprendre ; il pourrait s’expliquer par le fait que les chantiers en cours ou à réaliser sont confrontés à une baisse probable de la productivité dans un contexte où les délais de réalisation des travaux sont allongés (difficultés d’approvisionnement, de recrutement…). D’ailleurs, les goulots de production liés à l’insuffisance de personnel se situent encore à un niveau très élevé, bien au-dessus des moyennes de long terme, tout comme l’opinion des entrepreneurs du bâtiment sur leurs effectifs prévus. Ce constat confirme le maintien d’une activité encore solide, mais contrainte, dont le rythme de progression est ralenti. En revanche, les nouvelles commandes se contractent fortement, comme le suggère l’enquête Banque de France menée dans le gros oeuvre où le solde d’opinion sur la situation des carnets est repassé en négatif et se dégrade depuis janvier. Ces indicateurs font écho au repli des mises en chantier qui se poursuit dans le résidentiel et le non résidentiel et à la contraction des permis. En effet, côté résidentiel, le nombre de logements commencés a fortement reculé au cours des trois derniers mois (juin à août) au regard des trois mois précédents (- 13,1 % en données CVS-CJO). Comparé au même trimestre de l’an passé, c’est 25 % de moins (- 16 % en cumul douze mois), ce qui laisse le cumul annuel des mises en chantier à 319 500 unités à fin août. La chute des permis semble pour sa part se stabiliser (- 0,2 % sur le dernier trimestre) mais leur niveau actuel se situe - 27,8 % en dessous de celui d’il y a un an, au cours de ce trimestre ou en cumul douze mois (soit 379 900 au total à fin août). Dans le segment des locaux, les surfaces commencées ont fortement reculé sur la période récente (- 15,9 % sur un an à fin août) en déphasage avec une évolution des permis plus favorable (- 1 %). Contrairement aux logements, on peut supposer que, pour les locaux d’activité, la non mise en chantier des autorisations s’apparente moins à une annulation du projet en raison d’un refus de prêt ou à de difficultés de financement mais plutôt à un report en attendant une modération des coûts de construction. Il n’est donc pas exclu que le stock actuel de permis non résidentiels puisse donner lieu plus tardivement à des mises en chantier, hypothèse qui pourrait aussi, dans une moindre mesure, s’appliquer à certains projets résidentiels… à condition que les conditions d’accès au crédit s’assouplissent, que les coûts refluent et que les dispositifs de soutien soient conservés. Mais ces hypothèses, qui ne sont pas à écarter (avec des banques un peu plus accommodantes après la reconstitution de leurs marges, des prix immobiliers en léger repli et une solvabilité des ménages moins entamée) ne produiraient que peu d’effet avant 2025. À ce titre, les récentes déclarations du ministre de l’Économie en matière de politique de logement neuf laissent entrevoir le maintien du PTZ avec des conditions d’éligibilité au dispositif revues et corrigées. C’est certes mieux qu’une suppression mais ce nouveau périmètre plus resserré ne suffirait pas, selon la FFB, à éviter le marasme constructif en 2024.
Du côté des travaux publics, la conjoncture s’est un peu éclaircie au cours de l’été, le volume des travaux réalisés progressant désormais de + 4,8 % sur un an sur les huit premiers mois de l’année (CVS-CJO) selon la FNTP. Dans le même temps, les carnets de commandes se regarnissent (+ 14,5 %), à la faveur d’un raffermissement de la commande publique, notamment dans les grandes agglomérations.
Mais, pour l’heure, la demande de granulats reste pénalisée par le repli de la production de BPE qui devrait se contracter d’environ - 6 % en 2023. La meilleure orientation de l’activité TP, peu tournée vers les travaux routiers, ne porte pas pour le moment l’activité granulats qui se contracterait d’environ - 7 % cette année. En 2024, avec la poursuite du cycle électoral, les travaux des collectivités pourraient mieux soutenir l’activité granulats même si la crise de la construction résidentielle pèserait aussi sur les ouvrages TP privés mais surtout sur les livraisons de BPE. En 2024, la production de BPE reculerait donc à nouveau, plus fortement, tandis que le repli de la demande de granulats serait un peu plus modéré que cette année.