«Etablir une relation forte avec le marché et offrir aux fabricants de matériel et de matériaux de construction une étude stratégique sur douze pays de la zone EMEA choisis pour leurs niveaux d’investissements dans les infrastructures et le bâtiment»: telle est l’ambition affichée par l’Observatoire Intermat de la construction lancé officiellement aujourd’hui à Paris. Et qui prend une forme très concrète : un document de plus de 90 pages qui liste très finement et par des chiffres précis les grands projets de BTP dans douze pays choisis pour leur dynamisme économique.
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Surfant sur la reprise du secteur du BTP et sur un marché plutôt porteur notamment avec les travaux du Grand Paris Express et l’organisation des JO Paris 2024, le salon Intermat ne pouvait rester à l’écart de sa propre analyse de la conjoncture économique. Si l’édition 2015 avait sonné la fin de la crise qui avait étourdi la profession depuis 2009, le salon 2018 se présente sous des auspices totalement différents. L’observatoire Intermat arrive donc à point nommé pour faire le point sur les opportunités marché pour les fabricants de matériel répartis au sein de quatre pôles d’expertise du salon : bâtiment et filière du béton, route, industrie des matériaux et fondations, manutention et transport, et enfin terrassement et démolition. L’observatoire présente ainsi en avant première les grands projets de construction en cours et planifiés à l’horizon 2025-2030. Une première car peu d’outils à ce jour recensent de manière si précise et détaillée les volumes et les montants de travaux sur une période aussi longue. Et les montants sont faramineux : 1600 milliards d’investissements programmés d’ici 30 ans en zone EMEA. Dont 925 milliards pour l’Europe, 307 milliards pour l’Afrique d’ici 2040, et pas moins de 239 milliards au Moyen Orient.
Connaître les marchés pour mieux exporter
L’objectif est clair : il s’agit pour les équipementiers de connaître les marchés porteurs pour exporter, alors que des projets et des budgets faramineux se font jour partout dans le monde. Pour Isabelle Alfano, directeur du pôle construction à Comexposium et directeur du salon Intermat, «l’observatoire est né de la volonté d’établir une relation forte avec le marché et de donner aux acteurs de la construction une étude stratégique qui leur permette rapidement d’identifier les marchés sur lesquels ils peuvent se positionner». L’étude conduite en partenariat avec Business France est donc une somme qui recense pas moins de 150 projets de construction dans chacun des 12 pays suivants : Algérie, Allemagne, Belgique, Côte d’Ivoire, Emirats Arabes Unis, France, Italie, Kenya, Maroc, Pays-Bas, Qatar, et Royaume-Uni. Des pays qui n’ont pas été choisis au hasard : il s’agit des zones qui offrent les opportunités les plus alléchantes dans les secteurs de la route, du ferroviaire et du bâtiment. L’observatoire a ainsi fait ces comptes : sur son panel de pays, il est des pays qui rénovent comme l’Allemagne, et d’autres notamment en Afrique qui se développent comme le Qatar.
L’Allemagne dans le peloton de tête
L’Allemagne justement où pas moins de 286 milliards d’euros sont programmés dans les masters plans d’ici à 2030. Selon l’Observatoire Intermat, la construction d’infrastructures de transport est le grand défi outre Rhin, avec une volonté affichée des autorités d’investir dans le ferroviaire, le routier mais aussi l’aéroportuaire. Le volet routier représente ainsi une enveloppe de plus de 130 milliards d’euros sur la période 2016-2030, les investissements dans les aéroports 20 milliards d’euros, le volet fluvial 24,5 milliards. Dans les masters plans allemands, 109 milliards sont programmés pour les infrastructures de transport d’ici à 2030. Dans les leviers de développement du secteur, l’observatoire note par ailleurs la volonté gouvernementale de faire du secteur routier le principal moyen de transport de fret. Dans le détail, le tunnel de Rastatt qui consiste en la construction d’une liaison ferroviaire de 182 km reliant Karlsruhe à Rastatt et qui sera livré en 2035 a été budgété à 11,6 milliards d’euros. Autre projet phare : la construction et la rénovation de la gare principale de Stuttgart 21. Un chantier à 6,8 milliards d’euros en financement public privé et qui s’inscrit dans un projet plus large de voie transcontinentale reliant Paris à Budapest.
La Belgique repart
La Belgique de son côté n’est pas en reste en matière de rénovation de ses infrastructures mais n’est pas avare non plus du côté de la mise à niveau de son parc immobilier. Le plat pays a ainsi inscrit près de 47 milliards d’euros de travaux pour avancer dans les secteurs du routier, du portuaire et du bâtiment. Dans les chantiers d’envergure, l’observatoire note ainsi la modernisation du ring de Bruxelles pour 2 milliards d’euros, l’aménagement d’une usine « waste-to-chemicals » dans le port d’Anvers pour un budget calé à 3,7 milliards d’euros (avec un début des travaux fin 2018). A noter également la construction d’un quartier nouveau à Bruxelles autour du Mediaparc et qui devrait soutenir l’activité de la construction dans la capitale belge.
La France au centre des attentions
La France a fait l’objet de la part du nouvel outil d’analyse du salon Intermat d’une attention toute particulière. L’observatoire note ainsi que la France est le 1er chantier d’Europe, avec notamment le projet du Grand Paris dont les opportunités de marché s’élèvent à plus de 100 milliards d’euros. « Du fait de sa position géographique stratégique en Europe, la France est une plate-forme pour les sociétés souhaitant prospecter les marchés de l’UE, ainsi que ceux d’Afrique et du Moyen-Orient », note le rapport économique d’Intermat. La France aux premières loges donc avec des masters plans qui donnent une enveloppe de 167 milliards d’euros, dont 42 milliards uniquement pour le secteur du logement et 25 milliards pour le transport. L’observatoire liste aussi la LGV Lyon-Turin (26 milliards d’euros), le port de Calais (862 millions d’euros) ainsi que la création du boulevard urbain sud à Marseille pour un montant de 300 millions d’euros. L’observatoire livre également son Top 5 en France des besoins en matériels et matériaux de construction : tunneliers, systèmes de protection des personnes, drones, systèmes anticollisions pour les grues à tour et nouveaux matériaux comme les résines organiques font ainsi partie du palmarès.
L’Italie en mode rattrapage
Toujours en Europe, l’Italie apparaît également comme un marché porteur. Un pays qui semble désormais répondre au manque d’investissement sous dimensionné de ces dernières années, ce afin notamment de pallier aux dernières catastrophes naturelles en date mais aussi à son souhait de moderniser son réseau ferroviaire vieillissant. L’Italie devrait ainsi dans les prochaines années revenir sur le devant de la scène, avec un avantage certain : le pays est aujourd’hui au 2ème rang des pays manufacturiers en Europe. A l’horizon 2030, les masters plans tablent sur une enveloppe de 224 milliards d’euros, avec notamment 31 milliards pour le routier, 84 milliards pour les aéroports et pas moins de 78,8 milliards pour le ferroviaire. Dans ce secteur justement, la construction du tunnel du Brenner (8,8 milliards d’euros), la ligne ferroviaire Naples-Bari (6,2 milliards) ou encore la ligne Gênes-Alexandrie font partie des projets les plus emblématiques. Côté aéroports, l’extension de l’aéroport de Rome (1,89 milliards d’euros) qui sera livré en 2021 va permettre la construction d’une nouvelle piste et d’augmenter de 37 à 44 millions le nombre de passagers accueillis. Pour l’Europe, l’Observatoire a calculé une enveloppe de 167 milliards d’euros de travaux programmés au Royaume-Uni à l’horizon 2030, avec notamment la construction de la ligne a grande vitesse HS2 entre Londres et Manchester (65,8 milliards d’euros), la ligne Crossrail 2 à Londres (31,5 milliards), ou encore l’extension de l’aéroport d’Heathrow (20 milliards) toujours dans la capitale anglaise. Aux Pays-Bas, où de gros efforts sont déployés pour moderniser les ports et les voies d’eau, 53 milliards sont prévus dans les masters plans, notamment 12,35 milliards pour l’agrandissement de l’aéroport de Schiphol et 37,1 dans le routier.
Afrique et Moyen-Orient, pays du futur
Autre zone géographique importante analysée par l’observatoire Intermat, l’Afrique. Les quatre pays passés au crible de l’analyse économique que sont la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Maroc et l’Algérie révèlent s’il en faut que les entreprises françaises sont fortement sollicitées sur ces territoires. Le rapport d’Intermat note ainsi que le secteur du BTP a enregistré en Algérie une croissance de 5,6% en 2016. Le contournement d’Alger sur 260 kms et l’objectif de construction de 1,6 million de logements dans le pays jusqu’en 2019 viennent valider le dynamisme du secteur. La Côté d’Ivoire de son côté a mis en place un plan de développement 2016-2020 qui devrait garantir une croissance de 9,6% du secteur du BTP sur cette période. En Algérie, les masters plans livrent ainsi 183,7 milliards d’investissements à l’horizon 2030 avec notamment un programme ambitieux de construction de plus d’1,6 million de logements d’ici 2019. Un chiffre ramené à 87,8 milliards au Maroc, très investi dans le lancement de son programme autoroutier et routier auquel il devrait consacrer une enveloppe de 19,3 milliards d’euros à l’horizon 2035. Enfin, dernière zone analysée, le Moyen-Orient, avec le Qatar et les Emirats Arabes Unis. L’observatoire note que l’Exposition Universelle 2020 à Dubaï a permis de lancer des projets d’envergure, comme l’extension du métro ou encore la construction du nouvel aéroport d’Al Maktoum. Qatar et EAU livrent ainsi respectivement des masters plans de 137 milliards d’euros et 102.3 milliards d’euros. Quelque 30 milliards d’euros seront notamment consacrés au Qatar pour le seul secteur ferroviaire.