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Crédits photo : Société du Grand Paris / Leticia Pontual

Grand Paris : TULIP mesure les interactions entre le tunnelier et les bâtis existants

Baptisé TULIP (Tunneliers et limitation des impacts sur les pieux), un projet de recherche s’intéresse à l’incidence des travaux souterrain sur les fondations profondes des ouvrages au travers d’une expérimentation grandeur réelle menée à Aulnay-sous-Bois, sur l’axe de la ligne 16 du Grand Paris Express.
Genèse du projet
TULIP est né à l’issue des études d’avant-projet et du constat qu’un grand nombre de bâtiments vont se retrouver à proximité immédiate des travaux du Grand Paris Express. Parmi ces bâtiments, une partie significative des ouvrages sont fondés en profondeur et se trouvent ainsi à une distance très réduite des tunneliers, de l’ordre d’une dizaine de mètres. Les acteurs du projet de recherche pensent donc que des interactions peuvent se développer entre les travaux et les ouvrages préexistants. C’est pourquoi, en 2018, l’entité Infrastructures et Méthodes Constructives de la Société du Grand Paris a initié cette réflexion avec trois partenaires de recherche : l’ENTPE1, le CETU2 et l’Université Gustave Eiffel.
1. ENTPE : Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat
2. CETU : Centre d’Etudes des Tunnels

Crédits photo : Société du Grand Paris / Leticia Pontual
Les contours de TULIP
Dans les pratiques antérieures comme lors des premières études datant du métro d’Amsterdam, les professionnels privilégiaient de grandes marges comme par exemple respecter au minimum deux fois le diamètre du tunnel par rapport aux éléments de fondations pour éviter le moindre risque. Or, si cette méthode était appliquée au Grand Paris Express, les profondeurs des tunnels seraient bien plus importantes et par conséquent les coûts du projet aussi. Comment réagissent les trois éléments que sont la fondation d’un bâtiment, le sol et le tunnelier ? La question se pose. « Avec TULIP, l’idée est donc d’évaluer les impacts potentiels, de les minimiser au maximum tout en ayant surtout une recherche d’optimisation », résume Charles Kreziak, responsable du projet.

Crédits photo : Société du Grand Paris / Leticia Pontual
TULIP en pratique
« TULIP c’est d’abord un site expérimental où on va acquérir de la donnée mais c’est aussi une démarche qui se veut ouverte où on va transmettre les éléments collectés aux bureaux d’études, leur proposer un concours de prévision afin qu’ils aient connaissance des données du problème et puissent estimer quel pourrait être l’incidence du creusement dans cette configuration type », explique Charles Kreziak. La finalité est d’essayer d’en sortir des bonnes pratiques ou des recommandations pour harmoniser ce type de calculs. TULIP c’est aussi une réalité matérielle soit une expérimentation grandeur réelle pour laquelle sont créés des pieux directement sur le terrain, implantés sur l’axe du tunnelier pour mesurer de façon opérationnelle les déformations que ces pieux vont connaître lors du passage du TBM6 (le tunnelier Armelle), en partance du centre d’exploitation d’Aulnay au nord de la ligne pour rejoindre le lot 1 de la ligne 16 en direction de l’ouest.

Crédits photo : Société du Grand Paris / Leticia Pontual
Trois pieux
Pour ce projet de recherche, trois pieux armés de 500 mm de diamètre sont implantés. Un premier se situe dans l’axe du tunnel à 15 mètres de profondeur et s’arrête environ deux mètres au-dessus de la voûte du tunnel pour observer l’incidence lors du creusement. Les deux autres, descendus à 15 et 21 mètres de profondeur, sont décalés et permettent de regarder latéralement les impacts : l’un est décalé d’environ deux mètres latéralement et l’autre descend légèrement plus bas sous le radier du tunnel de façon à avoir une sollicitation plutôt latérale. Ces trois pieux ont été chargés pour reproduire la descente de charge qu’ils prendraient dans le cas où ils seraient sous un bâtiment. « C’est en résumé une reproduction d’un bâtiment artificiel en générant des descentes de charge sur les pieux de façon à ce que notre sollicitation lors du passage du tunnelier corresponde bien à la sollicitation sur un vrai bâtiment », précise le responsable du projet TULIP. Il y a 240 tonnes en fonction des caractéristiques des pieux, soit son diamètre et sa profondeur, pour reproduire le niveau de sollicitation qu’il y aurait en suivant les règles de dimensionnement classique. « Pour un pieux on calcule sa capacité portante c’est-à-dire les efforts qu’il peut reprendre au niveau de sa pointe et latéralement et ensuite on prend une fraction de sa capacité pour le faire travailler sous le poids d’un bâtiment. Donc on a appliqué les mêmes règles, ce qui se traduit par 240 tonnes en tête de pieux », ajoute-t-il.

Crédits photo : Société du Grand Paris / Leticia Pontual
Des capteurs pour mesurer
Les pieux sont équipés avec un grand nombre de capteurs lors de la réalisation. « Pour chacun d’entre eux, on a inséré quatre fibres optiques et trente-deux cordes vibrantes qui renseignent sur la déformation du pieux », explique Charles Kreziak. En complément, il y a un suivi topographique de surface à l’aide de plus de 50 cibles auscultées par 3 théodolites automatiques, avec des mesures télétransmises par internet. Pour les mesures dynamiques (vibration) en surface, sont installés 18 accéléromètres verticaux, 9 accéléromètres 3D et en complément 2 accéléromètres 3D implantés dans le tunnelier. Enfin dans les sols autour des pieux, il y a 2 cellules de pression interstitielle (mesure des variations de la nappe phréatique), 5 inclinomètres et 5 extensomètres (mesures de déformation des sols).

Un passage clé
Le tunnelier a commencé à entrer sur le site mercredi 1er juillet et est ressorti le 10 juillet. « Pendant toute cette période, on mesure activement la déformation des pieux, ce qui se passe en surface et les déformations dans le sol de façon à acquérir les données qui vont ensuite alimenter des modèles de calcul de la recherche. En réalité, on mesure avant le passage du tunnelier, pendant et aussi après pour mesurer le retour à l’équilibre et la dissipation des déformations induites par le tunnelier », conclut Charles Kreziak.

Crédits photo : Société du Grand Paris / Leticia Pontual
Coût et finalité
Le financement des travaux a été rattaché au marché d’Eiffage (lot 1) notamment pour la fabrication des pieux, pour constituer les massifs de réaction et pour mettre en place la base de suivi de surface. Il y a également un partenariat technique et financier avec l’ENTP, le CETU et l’Université Gustave Eiffel. De plus, la Société du Grand Paris s’est engagée financièrement à hauteur de 1 millions d’euros. La finalité de TULIP est la mise en place d’un outil de prévision. Ce dernier sera le résultat de la modélisation lourde à caractère scientifique qui va être développée par les trois partenaires de recherche et de la contribution des bureaux d’études. « L’idée est de comparer les deux approches, ce qu’ils [les bureaux d’études] obtiennent avec leurs outils et la modélisation obtenue par les chercheurs en regardant les convergences et écarts et en essayant d’être force de proposition sur des recommandations », résume le responsable du projet de recherche.

Le calendrier du projet :
- Début du projet : fin 2018
- Réalisation des pieux avec leur chargement : fin 2019
- Suivi pendant deux à trois mois après le passage du tunnelier (actuellement)
- Exploitation des données acquises pendant encore à peu près un an
- Concours de prévision au premier semestre 2021

Charlotte Divet - 13/07/2020
Textes, photos et vidéos : tous crédits Groupe Cayola (sauf mentions contraires)