Alors que Sherpa a annoncé le 24 mars déposer plainte pour les infractions de travail forcé, réduction en servitude, et recel contre Vinci Construction Grands Projets et les dirigeants de sa filiale Qatarie (QDVC) commises à l’encontre des migrants employés sur leurs chantiers au Qatar, le groupe Vinci monte à son tour au créneau.
En effet, Vinci explique de son côté que le groupe réfute totalement les allégations de Sherpa et qu’il a décidé de porter plainte pour diffamation. Dans un communiqué, il indique que « Partout dans le monde, Vinci s’attache à faire progresser les conditions de travail et les conditions de vie de ses salariés. C’est le cas au Qatar, où nous avons construit de nouveaux logements pour offrir en début d’année à nos ouvriers de meilleures conditions d’hébergement. Nous constatons que plus de 70 % de nos ouvriers en fin de contrat décident, en rentrant de vacances, de revenir chez QDVC pour signer un nouveau contrat de 2 ans ».
L’entreprise rappelle également que depuis 2003, elle adhère au Global Compact, pacte mondial porté par l’Onu par lequel les entreprises s’engagent à aligner leurs activités et leurs stratégies sur 10 principes universellement acceptés touchant les droits de l’homme, les normes de travail, l’environnement et la lutte contre la corruption.
Bien sûr, le son de cloche n’est pas le même du côté de Sherpa : « Le contexte de pression énorme sur les salariés a rendu notre tâche très difficile, souligne Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa pour le programme Globalisation et Droits Humains. Les migrants sont terrorisés à l’idée des représailles qu’ils pourraient subir. Nous avons pu néanmoins collecter sur place des preuves formelles de conditions de travail et de logement indignes, pour une rémunération sans rapport avec le travail fourni, effectué sous la contrainte de menaces. »
Le communiqué de presse de Sherpa précise : « Pire, les passeports sont confisqués par l’entreprise et les travailleurs subissent des menaces s’ils revendiquent leur droit à de meilleures conditions de travail ou de logement, s’ils désirent démissionner ou changer d’employeur. »« Chaque collaborateur de QDVC bénéficie d’un libre accès à son passeport et les temps de travail et de repos sont strictement observés », dément Vinci.
Quoi qu’il en soit, Laetitia Liebert, directrice de Sherpa espère que « cette plainte obligera Vinci à respecter scrupuleusement le droit des travailleurs migrants dans les années à venir et sera un exemple pour le secteur du BTP dans son ensemble. Les travaux vont continuer et même s’intensifier en vue de la coupe du monde. Or, les différentes interpellations par les syndicats ou associations de droits de l’homme semblent insuffisantes pour faire bouger les lignes. Il est donc crucial d’empêcher de futures violations des droits fondamentaux des travailleurs grâce à cette action judiciaire. »
Preuve de sa bonne foi, Vinci précise qu’il invite sur place et sans délai les représentants de Sherpa et tous les journalistes qui souhaitent se rendre compte par eux-mêmes de la vie sur les chantiers et la base-vie.
Si cette mise en cause n’est pas une bonne nouvelle pour Vinci, c’est également le cas pour les organisateurs de la coupe du monde de football en 2022 au Qatar. Il faut bien dire que depuis quelques mois, voire quelques années, l’organisation de cette compétition fait couler beaucoup d’encre sur de nombreux points, sportifs et autres.